[Nylon Ganbare] Numéro 7

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Nylon Ganbare

Je sais qu’il vous a manqué.

Notre précédente rubrique nous emmenait dans les bas fonds de la truanderie textile. Après un tour d’horizon un peu général, Nylon Ganbare, la rubrique accro au jeu de maillots, en avait conclu que le rythme de production des contrefaçons, calqué à peu de choses près sur celui des sorties officielles, était tel qu’il était difficile pour un Å“il non averti de distinguer le vrai du faux tant les faussaires arrivaient à se maintenir au niveau des évolutions diverses, qui selon les marques justifient également une hausse des prix un peu trop régulière. Mais si vous étiez là la semaine dernière, vous savez que certains détails permettent quand même de se faire une opinion sur l’origine, douteuse ou non, des maillots auxquels on fait face. Tout ça c’est bien joli mais à la limite, n’importe quel magasinier de chez Decathlon pourrait vous le dire. Comment ça, « j’en doute » ? Reste que ce qui intéresse nos lecteurs, c’est plutôt ce qui concerne le Japon. Voyons donc comment cette nation émergente du football a subi au fil des années les outrages du détournement de polyester.

Dans les usines clandestines, on peut boire pendant le service.

Tout d’abord, la sélection nationale. Ça surprendra peut-être pas mal de monde, mais les uniformes de la JFA sont singés depuis le début des années 90, avant même que l’équipe ne participe à une coupe du monde. Plutôt qu’un intérêt mondial, qui ne viendra que plus tard, les faussaires ont surtout été incités à se lancer à cause d’une domination locale de l’équipe, une marque connue et prestigieuse (Adidas), un joueur phare aux milliers de fans (Kazuyoshi Miura), et bien entendu la proximité continentale du pays, et donc de la clientèle, avec ces mêmes faussaires. On trouvait donc déjà des copies du maillot des Samuraïs Blue, aussi bien dans sa version bleue que dans sa version blanche, généralement facilement reconnaissable grâce au tissu utilisé (plutôt brillant) et à l’absence du logo du fabricant ou à la présence d’une marque complètement hors de propos. Ça n’allait pas s’arranger par la suite.

Il est très facile d’établir un Hall of Shame des maillots du Japon.

A partir de 1997, c’est la débandade : le motif de flammes instauré lors des qualifications pour la coupe du monde en France a un tel succès que le modèle de maillot adopté par la suite par l’équipe, qui est une sorte de version « améliorée » de ce concept, sera imité un peu n’importe comment, le fan recherchant avant tout la présence des flammes. On pouvait donc trouver des simples t-shirts, des maillots mâts type « polo »… mais globalement, le maillot officiel présentait trop de subtilités pour qu’un clone puisse en être fait. Parmi ces subtilités, le col à bouton, la surbrillance à motif de flammes, le logo Asics brodé (auquel sera préféré le logo Adidas ou Puma par les contrevenants, puisque la JFA avait un contrat avec plusieurs marques selon les catégories d’équipes fournies).

Versions JP et EUR.

Certaines personnes pensent que la version européenne du maillot de 1998, uniquement décliné en bleu et présentant quelques différences avec celle des joueurs, était une contrefaçon. Il n’en est rien et cette version, malgré une teinte de bleu plus violacée, un contour de blason plus épais, une étiquette bleue dans le col au lieu d’une étiquette noire, et des flammes plus fragiles, est bien officielle.

La suite sourira un peu plus aux immondes crapules récidivistes, puisque la JFA ne fait plus confiance qu’à Adidas pour l’année 1999, et la marque aux trois bandes avait attendu trop longtemps pour laisser passer l’occasion de donner à l’équipe un maillot avec ces fameuses trois bandes. Le reste du maillot étant assez facile à copier, ça ne loupera pas. En général, on peut se douter de quelque chose lorsque l’on note l’absence du petit drapeau nippon situé à la droite du blason, et lorsque le blason a l’air d’avoir été cousu à la main, mais sinon, pour l’époque, il était assez difficile de démasquer le doppelgänger. Après, cela dépendait aussi sur quoi on tombait, les illustrations ci-contre montrant des faux maillots faciles à repérer, par exemple. On sent au passage que la contrefaçon se standardise et commence à être produite en masse, presque à l’échelle industrielle, même pour le Japon. Cela se confirmera à partir de 2001, tandis que le pays se prépare à accueillir la plus prestigieuse des compétitions.

Le modèle de cette période reste assez facile à copier, et bien que le modèle pour joueur soit en apparence identique au replica, c’est ce dernier qui sera contrefait. Une fois encore, le drapeau nippon, cette fois placé sous le col, est parfois oublié sur les copies illégales, mais un flocage au nom de Nakata peut exciter suffisamment le fan pour que celui-ci n’y fasse pas attention…

Tous ces différents maillots sont d’origine officielle.

Authentique avec logos brodés. Tout un concept.

En 2002, les faux maillots sont étrangement rares, les supporters ayant déjà du mal à s’y retrouver entre les quatre ou cinq versions officielles différentes (replica japonais, authentique japonais, replica international, replica espagnol…). Les faux replicas sont assez grossiers mais d’un autre côté, les faussaires essayent de s’impliquer sur le tout nouveau marché des authentiques ! Pour ces authentiques, officiellement édités au Japon uniquement, la ressemblance est quasi parfaite, et seuls un blason parfois cousu et un « tissage » de la double couche différent de l’original permettent de discerner le vrai du faux… Plutôt inquiétant ! Pourtant, la suite sera toute autre et il redeviendra facile de détecter les contrefaçons. Ouf, on respire.

Copie / Officiel

Officiel / Copie

En effet, la période 2003-2005 offre au Japon un maillot bleu clair à rayures en dégradé, et un maillot beige avec un col à « renfoncements » intrigant. Les faussaires furent incapables d’imiter correctement le dégradé et les rayures des faux maillots ne se fondent pas vraiment dans le bleu clair, la transition est donc plutôt brutale. Les « renfoncements » du col du maillot extérieur sont bien plus larges et ronds sur les copies que sur les officiels. Ces différences sont très faciles à voir à l’oeil nu, mais le problème, c’est que ce sont malgré tout les seules. De plus, ce modèle post coupe du monde sera assez prisé par les nouveaux supporters de la sélection nippone de part le monde, et ceux-ci se tourneront vers les faux maillots, aux prix plus avantageux que les répliques officielles « internationales » assez moches, surtout que les faux maillots pullulent sur internet. Cela deviendra une constante. C’est bien simple, la rédaction de Nylon Ganbare n’a jamais vu autant de Français porter des faux maillots du Japon que durant l’année 2005… Curiosité propre à cette période : on pouvait aussi apercevoir des copies contrefaites du maillot des gardiens nippons, ce qui ne se reproduira plus par la suite.

Je vous laisse deviner lequel est le faux…

En 2006, année de coupe du monde, rebelote. Le maillot contrefait est calqué sur le replica nippon, et non pas « international ». L’officiel présentant des flocages de liserés chromés, les faussaires ne trouveront pas d’autre solution que d’appliquer des liserés gris/bleu clair. De plus, que ce soit pour le maillot bleu ou le maillot blanc, le tissu utilisé sera plutôt semblable au replica « international » et assez loin de la qualité du tissu utilisé sur les versions officielles nippones. Enfin, sur le maillot domicile, le petit panneau bleu ciel en forme de croissant situé sous le col était beaucoup plus épais sur les faux, au point que ça sautait aux yeux. Le problème était le même pour les faux maillots des autres équipes utilisant le même modèle (la France, par exemple). Cela n’empêchait pas les acheteurs inconscients et parfois conscients de se jeter à l’assaut de ces marchandises qui offraient en prime n’importe quel flocage pour quelques euros. Et dès lors on ne put éviter la catastrophe : les maillots de Seichiro Maki sont devenus accessibles à n’importe qui… En plus les manches longues et les tailles Small sont apparues à cette même époque dans les catalogues des faussaires. Cela n’a pas aidé à freiner le mouvement, bien au contraire (notez la rime).

Il y a toujours quelques prototypes.

Comme c’est devenu une coutume, le Japon accompagne les sorties habituelles des copies des maillots des nations du football. Il en est un membre confirmé, ce dont il se serait bien passé, mais quelque part cela est flatteur ! En 2008 cette fois, le fake est basé sur le replica « international ». Certains imitent les maillots authentiques, mais il s’agit simplement des mêmes copies que pour les replica, avec des bandes plus courtes et thermocollées sur les manches et la mention « Formotion » au lieu de la mention « Climacool » en bas du maillot. Rien de très technologique. La taille Small se démocratise, mais pas de taille Large. Rien d’autre à dire pour cette période sinon que le fait même de n’avoir rien à ajouter démontre une certaine banalisation de la contrefaçon en ce qui concerne la sélection nationale du Japon…

Ceci n’est pas une pipe un officiel.

Les Techfit ont peut-être été contrefaits finalement. Qui diable oserait porter cette chose dans la rue ?

Période suivante, coupe du monde. Replicas comme authentiques sont copiés et vendus dans le monde entier, comme d’hab’. L’émergence de joueurs tels que Honda et Kagawa multiplie les ventes… Tous les modèles sont basés sur le design de la version « internationale » mais les faux authentiques utilisent un tissu proche de l’officiel nippon. En bien plus fragile. Les authentiques utilisant la technologie Techfit sont copiés pour certains pays comme l’Argentine, la France ou l’Espagne, mais pas pour le Japon. De toute façon, à cette époque, un maillot Techfit qui ne coûte pas au moins 150€ est forcément un faux, c’est facile à repérer. A noter que la taille Large apparaît dans cette période.

Le tissu est bien imité, mais les bandes brillent trop.

Depuis, les maillots Techfit ne sont toujours pas copiés en ce qui concerne le Japon. La « nouveauté » réside dans le succès de la sélection féminine, championne du monde en 2011 et dont les maillots sont très recherchés. Ainsi, les maillots pour la période 2011-2013 sont fabriqués illégalement dans leur version « féminine ». Du moins le maillot bleu. Le reste est habituel : les replicas sont copiés et basés sur les versions « internationales », aussi bien le maillot bleu que le blanc, voire même le rouge utilisé (paraît-il) à Londres pour les Jeux Olympiques. Le maillot bleu est aussi copié dans sa version authentique, basée sur la version nippone de par ses matériaux, y compris chez les femmes.

Quand on achète un faux, il faut s’attendre à des surprises, comme ici le vomi d’un ouvrier sur toute la face avant.

En bas au centre, un faux maillot vendu en toute impunité. Triste.

D’une manière générale, le Japon est donc depuis une dizaine d’années présent dans le catalogue fallacieux des fourbes faussaires, et fait partie intégrante d’une standardisation et d’une fabrication industrielle des copies illégales, loin des spécimens un peu artisanaux des années 90. Cela dit, les Japonais semblent ne pas s’y laisser prendre, et l’on peut s’apercevoir que sur les sites d’enchères locaux, tels que Yahoo Auctions, les copies sont délaissées par les acheteurs, qui, comme Nylon Ganbare, arrivent à repérer la fraude. Ailleurs dans le monde, c’est une autre histoire…

La semaine prochaine, fin de cette trilogie qui enterre Star Wars une main attachée dans le dos, avec un chapitre dédié à la J.League.

Le mot du jour : PATCH

Cette semaine, un anglicisme. Bon, pas vraiment en fait. De la même manière que l’on se colle des patchs sur le bras pour arrêter de fumer, les clubs sportifs collent d’autres genres de patchs sur les manches des maillots pour ne pas se faire plumer. Car en effet, le plus souvent, ces patchs représentent un sponsor. Un de ceux qui donnent des sous en échange de cet affichage.

Les patchs sont aussi le moyen privilégié par les ligues de montrer que les équipes disputent leur championnat et pas un autre. Ainsi, dans chaque ligue, les équipes arborent généralement le logo de leur championnat, ou de la ligue correspondante, sur la manche droite (du point de vue du joueur). Parfois sur les deux manches comme en Angleterre. Notez que le patch de la J.League est le même depuis les débuts du championnat en 1993 (à l’exception du patch anniversaire porté lors de la saison 2013). Celui-ci a d’ailleurs longtemps été cousu au maillot avant d’être simplement collé comme dans la plupart des autres championnats.

Les patchs sont le plus souvent collés sur les manches car leur taille est adaptée à un tel positionnement. Mais parfois, on en trouve sur le torse. C’est par exemple le cas du patch officiel de la Coupe de France, ou du Scudetto exclusif au champion d’Italie en titre. Ou du douzième, du treizième, du quatorzième, du quinzième et du seizième sponsor maillot de l’A.S. Nancy Lorraine.

Les patchs sont un élément de flocage. Depuis quelques années, la plupart est fabriquée par une société nommée Lextra. Cette société utilise une mixité de feutrine et de broderie pour obtenir des effets de brillance partielle qui mettent assez bien en valeur les différents logos représentés. Parfois, elle fabrique les blasons des équipes collés aux maillots en usine, comme ce fut le cas pour l’Olympique Lyonnais par exemple. Souvent, des vendeurs de flocages annoncent que leur produit est un produit Lextra, et ce même si ce n’en est pas un, car un flocage Lextra est un gage de qualité et d’authenticité. Mais certains patchs n’étant pas commercialisés, comme ceux des compétitions de la FIFA, il faut s’en méfier car il existe aussi des fakes chez les patchs, vendus en utilisant volontairement à tort la mention Lextra.

Emploi du terme dans la vie de tous les jours : « J’ai mis des patchs sur les manches de mon maillot, ça m’a coûté le bras qui était censé s’enfiler dedans… » ou encore « Allez, pas de chichis, je vous fais la totale pour votre maillot de Nancy à deux-cent quinze euros, vous économisez ainsi à peu près cinquante pour cent. »

A bientôt les enfants !

Nylon Ganbare

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