[Nylon Ganbare] Numéro 10

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Nylon Ganbare

On a souvent cette idée de la tradition – et Nylon Ganbare, la rubrique sans faux pli, la première – comme quelque chose de sacré en ce qui concerne le Japon. Le problème, c’est qu’en football, peu importe la localisation, cela devient une notion très relative. Surtout lorsque des objectifs mercantiles s’en mêlent. Cela prend souvent le dessus et la tradition peut être, dans certains cas, sévèrement malmenée d’une année sur l’autre. Des fois, ça ne pose pas de problème, comme à Shonan où la tradition n’a jamais été qu’une question de couleurs, utilisées différemment chaque année mais toujours présentes quoi qu’on en dise. Des fois, elle se réinvente, comme à Kobe. Des fois, c’est une question de cycle, comme à Iwata. Des fois, elle morfle mais quelque-chose de concret, comme à Shimizu en cette année 2013. Ces cas-là ont un point commun : l’équipementier voit la tradition comme une entrave à l’ampleur de son chiffre d’affaire. Mais des fois, il s’en fout. C’est le cas à Sapporo.

Le Consadole est un club très jeune, établi en 1996 et en J.League depuis 1998, mais il n’a quasiment jamais douté de son identité. D’emblée, paf, des rayures noires et rouges et un hibou en guise d’emblème. Voilà qui est chouette. Le rouge vient sans aucun doute de la compagnie Toshiba, dont l’équipe corporative était l’équivalent du Consadole en Japan Soccer League, et du drapeau de l’île de Hokkaido, où se situe la ville de Sapporo. Le noir peut lui aussi venir du drapeau mais en réalité, sur ce dernier, cela ressemble plus à du bleu très sombre. Qu’à cela ne tienne, il est aussi présent sur le blason. Depuis, ça n’a jamais changé, la charte est assez claire.

Dans son histoire, trois équipementiers se sont chargés d’élaborer la tunique du club. Par rapport à Shonan, c’est sûr que ça ne fait pas beaucoup, mais par rapport à Shimizu ou Iwata, c’est quasiment le double. Il s’agit, chronologiquement, de Puma, d’Adidas et de Kappa.

1996 : l’homme en noir voit rouge, c’est de circonstance.

Puma n’a pas officié très longtemps pour Sapporo. Bon en fait, Puma n’est resté que pour la première saison du club en J.League, en 1998 (mais équipait déjà le club en JFL en 1996 et en 1997). Cette année-là, Puma équipe aussi Urawa, Shimizu, Iwata et les Flügels de Yokohama, des clubs bien établis en première division depuis un petit moment. On aurait pu penser que Puma eut autre chose à glander que de s’attarder sur Sapporo. Et bien oui, vu que la moitié des autres équipes susnommées a gardé les uniformes de 1997, Puma a décidé qu’il en serait de même pour Sapporo. Le maillot de la deuxième saison de JFL est donc réutilisé.

Lui, c’est Hugo, pas Diego. Le frangin.

Ce n’est pas grave car il présente un design classique, agrémenté de quelques touches originales (le long des manches) et qui incorpore les trois couleurs du club dans le design. D’ailleurs, et tenez-vous bien, c’est le seul uniforme du club qui affichera le bleu foncé dans le design. Si vous ne le voyez pas, il est sur le col.

Adidas, pour sa part, a certainement été le plus versatile des trois équipementiers. Cela vous étonne ? Quand on voit ce que sort chaque année la marque aux trois bandes en France, ça ne devrait pas. Elle pourrait presque rivaliser avec A-Line sur le plan du changement, tiens. Presque, j’ai dit. D’abord plutôt sage, et sûrement parce que elle aussi devait avoir d’autres chats à fouetter, elle a fini par trouver ça gonflant et s’est dit qu’après tout, une identité, ça s’interprète. Cela a donné lieu à quelques bizarreries comme cette espèce de négatif de l’Ajax d’Amsterdam lors des saisons 2003 et 2004, qui ne donnait l’illusion de rayures que grâce aux flancs de couleur noire, ou bien ce millésime 2005 qui n’affichait des bandes noires qu’au verso. Trois grosses bandes bien serrées en plein milieu du dos, comme par hasard. Sans parler de ce maillot extérieur gris, couleur très en vogue à l’époque (surtout chez Adidas, qui a distribué une copie presque conforme du maillot au FC Tokyo).

Édifiant.

Mais le reste du temps de son bail, c’est-à-dire les premières années, c’était plutôt dans la continuité de ce qu’avait produit Puma. Des rayures rouges et noires assez homogènes que l’on pouvait distinguer de loin, un look simple et professionnel. Et pour cause, il s’agissait du même maillot que celui du Milan A.C. ! En même temps, quand on doit jouer avec des rayures rouges et noires et que c’est Adidas qui est en charge, c’est difficilement évitable. Le FC Séoul a « subi » le même phénomène au milieu des années 2000, allant même jusqu’à partager un flocage identique à celui du club italien.

Ça n’a plus rien à voir.

Le dernier modèle à rayures conçu par Adidas, qui était le deuxième lors de sa sortie mais pour la troisième saison du contrat (il faut suivre), était encore parcimonieux. En fait, il ressemblait beaucoup au premier. A ceci près qu’il affiche les yeux du hibou qui sert d’emblème au club sur le col (cela reviendra jusqu’à la fin du contrat) et surtout il s’est vu injecter une dose de couleur blanche, qui ne jure pas avec le reste (en même temps le blanc est une couleur qui a été injectée au moins un fois dans les schémas chromatiques de toutes les équipes japonaises sans que ça soit choquant) et qui, pour le coup, permet de démarquer clairement Sapporo de Milan. Pour les maillots, je parle, vous vous doutez bien qu’à part ça les deux clubs n’ont pas grand chose en commun. Mais la séparation des rayures avec ce blanc laissait déjà entrevoir l’envie qu’aurait ensuite Adidas de jouer avec ces dernières pour le plus grand plaisir de son portefeuille.

Kappa, on en a déjà parlé dans Nylon Ganbare, c’est un équipementier qui a inventé un maillot en lycra révolutionnaire… en 2000. La firme affirme qu’il l’est toujours, le reste de la planète s’est lassé au bout de trois ans et demi. Inutile de préciser que Sapporo porte ce modèle depuis l’année où le contrat a commencé. Mince, on l’a précisé. Alors bon, d’une saison à l’autre, le maillot change quand-même car il faut bien que ça rapporte quelque menue monnaie (paradoxalement, c’est avec Kappa que les maillots commencent à changer chaque saison et non pas tous les deux ans) mais, à l’inverse d’Adidas, Kappa ne semble pas prêt à chambouler les convenances pour y parvenir. Et on serait tenté de dire que c’est plutôt une bonne chose.

Concrètement, les principales variables sur lesquelles Kappa s’appuie pour élaborer un nouveau maillot sont : le nombre et la largeur des rayures, leur présence ou non sur les manches, les logos de la marque sur ces mêmes manches (gros et floqués ou nombreux, petits et imprimés), la forme du col, la position de la marque sur le torse, et éventuellement un élément de design supplémentaire… mais ça ne s’est vu que récemment. Ainsi, nous avons pu observer un sérieux panel de toutes les combinaisons possibles depuis 2006 :

On peut voir que ces petites touches de design n’interviennent que depuis 2011 et le font à travers la couleur des coutures (2011 et 2013), la présence de petits détails dans le col (2013) et la surimpression d’un motif sur les rayures ou sur les flancs (2011, 2012 et 2013). Au passage, ce motif utilisé en surimpression « rend hommage » à l’industrie du textile qui fait partie de l’histoire de la ville de Sapporo. Ça reste du baratin mais ce n’est pas aussi gratuit qu’on le pense.

Au final, ces changements sont assez mineurs et il est parfois compliqué de savoir de quelle saison vient tel ou tel maillot du Consadole. Le maillot reste globalement le même avec Kappa (la firme semble y trouver son compte alors pourquoi pas), et l’on peut sans risque affirmer qu’un maillot de Sapporo par Kappa est désormais… traditionnel.

Le mot du jour : TEMPLATE

En français, cela veut dire « patron ». Pas dans le sens hiérarchique mais dans le sens créatif. C’est le modèle basique et reproductible à l’origine des fabrications en série des maillots, des shorts, des tenues d’entraînement… de chaque vêtement en fait.

On voit souvent plusieurs équipes d’un même championnat porter des maillots basés sur un même template. Mais étant donné que les marques sont de nos jours, pour la plupart, internationales, un même template est plus que probablement utilisé partout sur le globe.

Il définit les éléments tels que la forme, la taille et le positionnement des panneaux de tissu qui composent le vêtement ainsi que les coutures qui les joignent. Souvent, il définit aussi le matériau utilisé mais, parfois, des matériaux différents sont utilisés sur deux maillots basés sur un même template. Cela se voit couramment entre les maillots replica et les maillots authentiques mais parfois aussi entre les replica d’équipes de nationalité différentes. Et surtout, entre le Japon et le reste du monde, puisque pas mal des marques qui équipent les clubs japonais ont une branche locale qui fabrique les maillots à partir des templates communs mais avec des matériaux élaborés localement.

Pour les uniformes de football, le nombre de templates utilisés dans chaque collection diffère selon les marques. Les grosses écuries comme Adidas ou Puma peuvent élaborer jusqu’à cinq ou six templates différents chaque année. Nike préfère varier les motifs appliqués sur un ou deux templates seulement. D’autres, plus humbles, en utilisent trois, deux, ou même un seul par saison et peuvent aussi recycler des templates des collections précédentes pour apporter un peu de variété.

Emploi du terme dans la vie de tous les jours : « T’emplates sur mes piètes-bandes. Ou l’inverse.«  ou encore « Bon les gars, on a en tout et pour tout un seul template pour fournir tous nos clubs. Mission accomplie, à l’année prochaine ! » (Mizuno headquarters)

A bientôt les enfants !

Nylon Ganbare

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