R̩trospective : France РJapon 2001

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24 mars 2001, Stade de France (Saint-Denis)

France – Japon : 5 – 0 (2 – 0). Spectateurs : 77 888. Arbitre : M. Dieter Schoch (SUI). Buts : Zidane (10’ s.p.), Henry (14’), Wiltord (56’), Trézéguet (63’, 69’).

France : Ramé – Lizarazu (Karembeu, 81’), Leboeuf (Silvestre, 35’), Desailly, Candela – Pires (Micoud, 60’), Petit (Vieira, 45’), Lamouchi, Zidane, Dugarry – Henry (Trézéguet, 54’). Entr. : Roger Lemerre.

Japon : Narazaki – Matsuda, Morioka (Nakazawa, 73’), Hattori (K. Nakata, 78’) – Inamoto (Mochizuki, 70’), H. Nakata, Nanami, Myojin (Takahara, 45’), Nakamura (Miura, 45’), Ito – Nishizawa (Jo, 70’). Entr. : Philippe Troussier.

La sélection japonaise

Gardiens : Yoshikatsu Kawaguchi (Yokohama F. Marinos), Takashi Shimoda (Sanfrecce Hiroshima), Seigo Narazaki (Nagoya Grampus Eight)

Défenseurs : Toshihiro Hattori (Jubilo Iwata), Ryuzo Morioka (Shimizu S-Pulse), Naoki Matsuda (Yokohama F. Marinos), Yuji Nakazawa (Tokyo Verdy 1969), Koji Nakata (Kashima Antlers)

Milieux : Hiroshi Nanami (Jubilo Iwata), Shigeyoshi Mochizuki (Vissel Kobe), Atsuhiro Miura (Tokyo Verdy 1969), Teruyoshi Ito (Shimizu S-Pulse), Hidetoshi Nakata (AS Rome / ITA), Tomokazu Myojin (Kashiwa Reysol), Shunsuke Nakamura (Yokohama F. Marinos), Masashi Motoyama (Kashima Antlers), Junichi Inamoto (Gamba Osaka), Shinji Ono (Urawa Red Diamonds)

Attaquants : Shoji Jo (Yokohama F. Marinos), Akinori Nishizawa (Espanyol Barcelone / ESP), Atsushi Yanagisawa (Kashima Antlers), Naohiro Takahara (Jubilo Iwata)

En stage de préparation en Europe en vue de la Coupe des Confédérations, le Japon affrontait, pour son premier match de l’année 2001, la France, équipe championne du monde en titre. Il s’agissait de la troisième rencontre entre les deux nations, la dernière remontant au tournoi Hassan-II (2-2, défaite aux pénaltys), mais de la première sur sol français.

Après un encourageant match nul au Maroc, où les champions d’Asie avaient bousculé leurs homologues européens, les Japonais ont cette fois-ci rarement existé dans une rencontre à sens unique en faveur des Français. Ils encaissent deux buts en moins de dix minutes de jeu : un pénalty de Zidane généreusement concédé par Matsuda et un but d’Henry sur un ballon échappant à Narazaki, peu aidé par une pelouse glissante… La défense à trois imposée par Troussier implosait rapidement en seconde mi-temps sous les coups de Wiltord et de Trézéguet (auteur d’un doublé), et ce malgré les nombreux arrêts du portier japonais.

Le sélectionneur des Nippons avouera un « manque de préparation » pour son équipe, dont la plupart des joueurs venaient à peine de reprendre le championnat japonais. Seul Hidetoshi Nakata, l’un des deux « Européens » de l’effectif (avec Nishizawa), s’était montré véritablement à son aise : un de ses tirs avait touché la barre de la cage d’Ulrich Ramé en première mi-temps. Les deux formations allaient de nouveau se retrouver quelques mois plus tard, cette fois-ci au Japon, pour la finale de la Coupe des Confédérations… perdue de justesse par les Japonais (0-1).

Anecdotes

  • Le match était menacé d’annulation jusqu’à la dernière minute en raison de conditions météorologiques très hasardeuses. La pelouse « marécageuse » du Stade de France pouvait en témoigner. Les intempéries dans les jours précédant la rencontre ont même contraint les Japonais à s’entraîner sur un modeste terrain en synthétique à Courbevoie plutôt qu’au stade Louison Bobet de Levallois.
  • Dans un excellent numéro consacré tout entier au football japonais (édition du vendredi 23 mars 2001, n°2867 bis), France Football déplore dans sa rubrique internet le manque de sites « accessibles en alphabet latin » pour se renseigner sur le sujet et parle d’un « indéchiffrable Japon »… Quatre ans plus tard naissait Nippon Ganbare, premier site web consacré au football du Soleil Levant en langue française.
  • Toujours dans le même numéro, Philippe Troussier révèle que Roger Lemerre, son « mentor », aurait songé un instant à tout plaquer après les éliminatoires de l’Euro 2000 pour devenir son assistant au Japon (p. 17) !
  • Originaire de la région parisienne, Troussier a invité une grande partie de sa famille à assister à la rencontre et notamment ses deux parents septuagénaires, Yvette et Claude.
  • De nombreux émissaires de clubs européens (clubs français, Atalanta Bergame, Lecce) étaient présents en tribunes pour observer les prestations de Jun’ichi Inamoto (Gamba Osaka) et de Shunsuke Nakamura (Yokohama F.Marinos). Cependant, de l’aveu d’un des « scouts », l’intérêt suscité était plus économique que sportif. Les deux joueurs finiront par s’exiler sur le Vieux Continent quelques années plus tard.
  • Dans la même veine, L’Équipe a annoncé le transfert possible d’Hidetoshi Nakata en France… à Lens, Lyon ou Monaco ! Or, la presse japonaise, relayant des informations du Parisien, évoquait plutôt une arrivée « prochaine » du milieu au Paris-SG… Auparavant, un seul joueur japonais avait été testé en France : Hiroshi Nanami, titulaire lors du match amical, qui a porté les couleurs de l’Olympique de Marseille en 1998  avant de s’engager finalement à Venise.
  • Kazuyoshi Miura, l’attaquant de Kobe et ancienne star de la sélection, avait envoyé ses « encouragements » à l’équipe après sa défaite contre la France… Il n’avait pas été sélectionné par Philippe Troussier alors qu’il avait pris part au dernier match contre les Français lors du tournoi Hassan-II et qu’il était présent sur le banc de touche pour la dernière rencontre de l’année 2000 contre la Corée du Sud (1-1).
  • Par ses déclarations à la presse de l’époque, Arsène Wenger, également spectateur de la rencontre, a laissé la porte ouverte à un éventuel retour au Japon, alors même qu’il était convoité par le FC Barcelone. Son idylle avec Arsenal semblait alors toucher à sa fin après plusieurs saisons compliquées. Le technicien alsacien était déjà pressenti pour remplacer Takeshi Okada après la Coupe du Monde 1998 mais avait finalement décliné l’offre… non sans recommander Philippe Troussier à sa place. Il est aujourd’hui toujours l’entraîneur des Gunners, au moins jusqu’en 2014. Dans le même registre, Franck Durix, son joueur à Nagoya (1995-1997), n’écartait pas l’idée de finir sa carrière au Japon ; il a terminé à Sochaux.
  • Il faut remonter jusqu’au 24 octobre 1968 pour trouver trace du dernier 5-0 encaissé par les Nippons en match officiel : il s’agissait de la demi-finale contre la Hongrie lors des J.O. de Mexico !
  • Coïncidence ou clin d’œil du destin ? Après le Japon, les Bleus de Roger Lemerre devaient affronter l’Espagne en amical quatre jours plus tard, à Valence (défaite 1-2). Ce sera de nouveau le cas en 2012 mais dans un contexte différent : les éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 et la première place du groupe I.

Du côté de la presse

Globalement, la presse française ne s’était pas montrée tendre envers les Japonais.

Libération : « On connaissait «l’Arconada» (…) On pourra désormais parler de la « Narazaki ». Elle a été créée samedi soir au Stade de France à la 14ème minute d’un France-Japon (…) plus dépressif qu’encourageant pour les coorganisateurs du prochain Mondial ».

Le Monde : « Derniers chantres d’un romantisme désuet, les Japonais ont donné l’impression d’accompagner les 77,888 spectateurs envoûtés par le spectacle d’un Zinedine Zidane sublime maître d’œuvre. »

L’Humanité : « On pourra toujours s’interroger de l’intérêt pour l’équipe championne du monde d’une telle rencontre face à une modeste mais courageuse équipe japonaise, si ce n’est s’essayer au football asiatique avant la Coupe du Monde 2002 organisée conjointement par le Japon et la Corée du Sud (…) ».

La presse japonaise a parlé quant à elle du « désastre de Saint-Denis » (Sponichi).

Les vidéos

Les déclarations post-match
(Archives FFF)

Roger Lemerre

Ce soir, l’Equipe de France a frisé l’excellence. Quand on voit la diversité des enchaînements, la fluidité du jeu, la qualité des uns et des autres, leur faculté à toujours trouver les réponses à tous moments… Je n’aime pas parler des joueurs individuellement mais il faut reconnaître que Zinedine Zidane a été parfait. On a eu l’impression d’assister à un grand récital avec un grand chef d’orchestre qui a tenu la baguette de façon magistrale. C’est le talent à l’état pur. Soulignons aussi que les Japonais ont joué le jeu sans arrière-pensée, en respectant leur adversaire, peut-être un peu trop même, mais c’est bien pour le sport.

David Trézéguet

Nous avons trouvé une équipe japonaise un peu fatiguée et cela a facilité la tâche des attaquants. Avec Thierry Henry, nous avons déjà joué ensemble au sein des moins de 17 ans et des moins de 20 ans. Quant à jouer ensemble en attaque au sein de l’Equipe de France, cela relève uniquement du choix de Roger Lemerre. Lorsque je suis remplaçant, j’en profite toujours pour analyser les choses à améliorer

Thierry Henry

Les Allemands s’étaient contentés de défendre [NDLR : Lors du match amical précédent de la France, victoire 1-0]. Au contraire, les Japonais aiment jouer au ballon et cela nous a permis de profiter de nombreux espaces. Je préfère ce genre de match. Les Japonais m’avaient surpris lors du tournoi Hassan-II par leur jeu au sol, sans aucun mauvais coup. Nos gabarits plus physiques, le terrain détrempé ont joué en leur défaveur. Nakata a d’ailleurs montré que l’équipe japonaise aurait pu revenir au score en première période. Sylvain Wiltord et Robert Pirès jouent avec moi à Arsenal. C’est sûr que cela aide mais ça marchait déjà très bien auparavant.

Marcel Desailly

Lors du tournoi Hassan-II, les Japonais s’étaient montrés collectivement solides, avec des individualités intéressantes. Mais ils jouaient aujourd’hui au Stade de France face à des joueurs de l’Equipe de France au meilleur de leur forme. Nous avons bien géré la période après le tir sur la barre de Nakata. A 2-1, la physionomie du match aurait pu changer. Malgré le score, nous avons quand-même dû forcer. Mais après 3-0, vous savez que le sort du match est joué. Nous avons un an de matches amicaux à jouer : à travers les victoires, il faut dégager de la joie. Mais en football, tout peut vite être remis en cause. Il faut donc être attentifs et penser à s’appliquer.

Zinédine Zidane

Ce fut un très bon match de l’Equipe de France. Nous avons bien géré notre match, ce que nous avions moins bien réussi face à l’Allemagne. Tout le monde dans ce groupe apporte quelque-chose et c’est le plus important. Nous ne prenons aucun match à la légère. Je pense que nous avons réussi un match parfait. Les Japonais ont été un ton en-dessous par rapport au tournoi Hassan-II, mais le score est tout de même lourd. C’est une équipe que l’on retrouvera différente de ce soir lors de la prochaine Coupe du Monde. C’est une équipe qui a beaucoup de qualités. Ils joueront devant leur public et il faudra compter avec eux. Mercredi, un match très différent nous attend [NDLR : Contre l’Espagne… coïncidence]. A nous de nous préparer en conséquence.

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