[Nylon Ganbare] Numéro 11

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Nylon Ganbare

Il y a un truc qui m’énerve pas mal, c’est un sponsor objectivement hideux placardé sur un maillot subjectivement superbe. Les équipes japonaises ont déjà la chance de pouvoir se permettre de n’afficher en général qu’un seul partenaire sur le ventre de leurs joueurs, contrairement à d’autres pays où cela fait longtemps que la question du nombre et celle de l’esthétique ne se posent plus (je vous regarde, pays scandinaves). C’est une opportunité en termes de merchandising, alors pourquoi faut-il qu’elle soit ponctuellement enterrée vivante dans l’indifférence générale des dirigeants ? Caprices des partenaires concernés pour une question de visibilité, fidélité à la couleur originelle du logo ou bien total désintérêt des instances des clubs pour la question, dans tous les cas cela amène à des résultats assez frustrants pour les supporters. Et même s’ils sont encore assez isolés, le fait qu’on ne puisse pas les louper, à cause du paradoxe visuel ainsi créé, compense largement. Nylon Ganbare, la rubrique composée de vingt-sept bouteilles recyclées, se fait une joie de dénoncer ces forfaits.

Je ne sais pas qui en est à l’origine mais il y a un phénomène plutôt récent (et qui pourrait presque à lui seul formuler une loi), qui dit qu’un maillot vert devrait avoir un sponsor rouge. Alors déjà, et là c’est personnel, j’ai beaucoup de mal à supporter l’association de vert et de rouge. Je n’aime pas les maillots de Sedan et du Lokomotiv Moscou et, à part pour jouer à Noël, un tel choix de couleurs est encore, à ce jour, quelque chose qui m’échappe. Bon, à Sedan et à Moscou, ils ont sûrement des raisons, que ce soit dans l’histoire de leur ville, dans le patrimoine local, dans leurs armoiries, allez savoir. Mais quel est le sagouin qui a décrété qu’un sponsor rouge sur du fond vert était plus esthétique et lisible qu’un sponsor… je ne sais pas… blanc ? Je peux en formuler une de loi à partir de cette expérience, moi : le rouge sur du fond vert, ce n’est pas lisible, ça aurait même tendance à fatiguer les yeux et à faire passer le sponsor du Tokyo Verdy pour des tâches de sang.

Il y a peut-être une explication derrière ce choix : le jaune et le bleu, deux des trois couleurs « supposées » primaires, créent du vert. La troisième couleur primaire est le rouge. A partir de là, ils ont du se dire que le rouge était la couleur opposée du vert et que cela créerait scientifiquement un contraste favorable à une lisibilité optimale. Ben non. Surtout que selon certaines sources, les couleurs primaires seraient plutôt le cyan, le magenta et le jaune en lumière; le rouge, le bleu et le vert en peinture. Mais j’essaye de trouve une raison à cette idée saugrenue.

C’est pas dieu possible des choses pareilles…

Si on suit ce raisonnement, le rouge est la couleur qui s’associe le moins bien à un schéma chromatique basé sur le vert. Comme celui de Tottori, autre victime depuis 2013. Le maillot, vert clair, blanc et bleu nuit est visuellement moderne, personnalisé et plutôt agréable à l’œil. Et bim, un sponsor de trois signes seulement (mais qui prend toute la largeur quand-même), rouge vif de surcroit, vient l’éventrer sauvagement. Comme un réflexe. Là le sponsor est plus lisible que pour Tokyo… mais pourquoi ? Parce qu’il est entouré d’une bordure blanche ! C’est le blanc qui rend lisible, alors autant mettre le sponsor blanc directement. Le blanc est une des couleurs de l’équipe, ça passerait tellement mieux sur tous les plans…

Plus globalement, si l’équipe ne présente pas de rouge parmi ses couleurs traditionnelles, c’est à éviter comme couleur de sponsor. Que dire du Jubilo Iwata (enfin moi je pourrais en dire, mais ce n’est pas le sujet), qui, de 2010 à 2012, s’est coltiné un maillot extérieur à cinq couleurs, dont la plus visible était justement le rouge du sponsor ? D’accord, c’est la couleur d’origine du sponsor – et propriétaire – Yamaha donc on comprend qu’elle ait pu être adoptée. Et puis c’est lisible sur fond blanc, au moins. Mais ce n’est pas une raison pour cautionner car ça s’accorde plutôt mal avec l’identité de l’équipe. De loin, ça aurait même tendance à faire amateur alors qu’on parle d’un multiple champion du Japon et ancien champion d’Asie. Tout ça pour que le proprio s’assure qu’on ne le confonde pas avec une marque de nouilles.

Ah, y a pas à dire, ça envoie.

Par le passé, Iwata a déjà eu droit à un sponsor frontal rouge mais c’était Nestlé, dont la couleur de l’entreprise est le… bleu. D’où leur est donc venue cette décision ? D’autant plus qu’alors, celui-ci s’affichait en rouge aussi bien à l’extérieur qu’à domicile, sur fond bleu ciel. Niveau visibilité, on atteignait des sommets d’inefficacité. A se demander si ce n’était pas fait exprès. Sans parler de Kincho ou Kit-Kat dans le dos.

Il y a le rouge, bien-sûr, mais plus globalement on trouve aussi des cas de sponsors multicolores et donc à même de ne pas bien s’intégrer. La quasi-totalité de ces spécimens est due à la volonté du sponsor de s’afficher dans ses couleurs habituelles et donc souvent multiples. On peut penser à Ford avec Hiroshima au tout début de la J.League, Eneos ou LifeVal avec le FC Tokyo, à Suzuyo avec Shimizu, à Nippon Ham des années durant avec le Cerezo Osaka ou encore à Nisso avec le Yokohama FC. Ça ne présente généralement pas de problème de lisibilité car c’est le plus souvent entouré de blanc mais, en contrepartie, ça ressemble vraiment à un énorme cheveu sur sa soupe préférée.

Puis vient le deuxième gros cas de gâchis indiscutable : le pavé. Lorsque le partenaire décide que son logo n’est parfaitement lisible que sur un fond d’une certaine couleur, autre que celle du maillot, un pavé sauvage apparaît. Et là croyez-moi, c’est super efficace, le maillot est K.O. pratiquement à chaque fois. Sa forme, sa taille et sa couleur, tout en lui jure avec le reste de la tunique, c’est à peine croyable. De plus, celui-ci subsiste à travers les âges, tel le virus de la grippe.

Oui, cachez-moi ça.

Énormément de clubs nippons ont été touchés dans leur histoire par ce fléau qu’est le pavé et un bon paquet l’est même actuellement. Chiba, ayant enfin retrouvé ses couleurs rasta d’origine, les voit bafouées par l’odieux rectangle bleu électrique de son sponsor électricien. C’est un complot.

« This. Is. LIXIL !!! »

Kashima a beau avoir le plus beau palmarès du pays, il est moins heureux avec ses publicités. Tostem, pendant des années, ne s’affichait jamais sans ses deux pâtés vert fluo qui restaient imprégnés sur les rétines adverses. Puis, plus récemment, Lixil a souhaité garder ses couleurs habituelles, orange et gris, ce qui n’était pas lisible sur le fond rouge du maillot, et a vu un orthogonal arrière plan blanc régler son problème, sans se rendre compte que cela en créait un autre, à mon sens bien plus gros. Depuis, le logo lui-même est devenu blanc. Par-dessus un fond bleu nuit cette fois totalement inutile. On n’a pas idée franchement.

« J’arrive à soulever mon sponsor ! »

Sendai, de son côté, réussit l’exploit de combiner le pavé et le logo rouge pour un sponsor total empiétant sur à peu près un tiers de la partie frontale. Le Guinness Book est à portée. Niigata ne s’est jamais séparé de son partenaire local. Son rectangle blanc est devenu comme un parasite en symbiose avec le maillot. En gros, c’est hideux mais si vous l’enlevez, l’équipe meurt. Rakuten n’était pas exempt de tout reproche jusqu’à la saison 2013. Que ce soit sur le maillot vert de Verdy ou celui rouge foncé de Kobe, ce partenaire de prestige avait la micro excuse d’avoir un logo rectangulaire. Il n’y avait plus qu’à subir.

Je comprends ton scepticisme, mon gars.

La deuxième division présente souvent un bon panel de pavés disgracieux. On a pu voir ces dernières années quelques spécimens particulièrement jovials. Un espèce de fouillis jaune pour Fukuoka en 2011, du rouge pour Mito (un classique), Sagan Tosu et son inoubliable rectangle bleu sur fond bleu clair. Une riche idée là encore. Sans parler de ce vomi verdâtre à Gifu… ah non, c’est le maillot ça.

« Soyez pas deg’, les gueux. »

Les couleurs saugrenues des marques et les pavés publicitaires sont donc les ennemis principaux des maillots. Mais finissons sur une bonne note en soulignant les sponsors monochromes et uniquement faits de lettres des clubs les plus représentatifs du pays : Urawa a beau changer, cela reste sobre et efficace. Yokohama F.Marinos change parfois sa couleur mais Nissan est toujours lisible depuis la création du club. Panasonic s’est toujours montré dans son plus simple appareil sur le maillot de son club du Gamba Osaka. Idem pour Toyota à Nagoya. Des exemples à suivre, tout espoir n’est pas perdu !

Le mot du jour : LISERÉ

Chouette, un mot français. Les liserés les plus connus en France sont certainement les deux, de couleur blanche, qui cernent la bande rouge centrale du maillot « Hechter » du PSG. Donc à partir de cette affirmation, on peut en déduire qu’un liseré est un trait…

En fait, lorsque l’on parle de liserés, on fait souvent référence à de fines courbes colorées qui accompagnent les coutures, en étant fixées dans la couture même, entre les deux panneaux que celle-ci relie. La couture seule suffisant à fixer les panneaux entre eux, le liseré a uniquement un rôle ornemental et contradictoire avec la couture puisqu’il sert généralement à marquer une séparation entre les panneaux. Son emploi redondant peut à force traduire un léger manque d’imagination.

Au Japon, certains maillots ont été appréciés pour leurs liserés : celui des Red Diamonds, en 2004, présentait sur chaque côté un liseré doré qui remontait jusqu’au col et continuait dans le dos pour définir le tour de l’espace du flocage. Celui de l’équipe nationale, en 1998, se distinguait du modèle précédent par la forme des flammes sur les manches mais aussi par la présence d’un liseré blanc reliant le col à l’aisselle. C’est un élément classique de design textile qui a la capacité à apporter de l’élégance lorsqu’il est bien utilisé et qui continuera à apparaître sur des maillots de football encore longtemps, a priori.

Emploi du terme dans la vie de tous les jours : « Je liserais bien ce bouquin si je l’avais mais je ne l’ai pas donc je ne peux pas le liser. »

A bientôt les enfants !

Nylon Ganbare

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