La première finale du championnat

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1993

Le championnat est divisé en deux phases de 18 matches chacune, dénommées First Stage (15 mai 1993 – 14 juillet 1993) et Second Stage (24 juillet 1993 – 15 décembre 1993). Si une même équipe a remporté les deux phases, celle-ci est automatiquement déclarée championne. Le cas contraire, les vainqueurs de chaque phase s’affrontent en finale. La finale se joue en deux matches, aller et retour, le trophée allant à l’équipe ayant marqué le plus de buts. A défaut, en cas d’égalité au bout des 180 minutes réglementaires, des prolongations (avec la règle du but en or) voire des tirs aux but sont prévus pour départager les deux équipes.


1) Match aller

Le 9 janvier 1994, au Tokyo National Stadium (Tokyo),

Kashima Antlers Verdy Kawasaki : 0-2 (0-0). Spectateurs : 53 553. Arbitre : M. Kenji TANAKA. Buts : Kazuyoshi MIURA (60’), BISMARCK (89’). Avertissements : Hisashi KUROSAKI (23’), Kazuhisa IRII (68’), Masaaki FURUKAWA (73’), ALCINDO (78’), SANTOS (80’), Yasuto HONDA (89’) pour Kashima ; Tetsuji HASHIRATANI (21’), PEREIRA (35’) pour Kawasaki. Expulsion : Ryosuke OKUNO (27’) pour Kashima.

Kashima Antlers : Maasaki FURUKAWA – Yutaka AKITA, Eiji GAYA, Ryosuke OKUNO, Shunzo ONO – Yasuto HONDA, SANTOS, Masatada ISHII – ALCINDO, Hisashi KUROSAKI (Yasuhiro YOSHIDA, 82’), Yoshiyuki HASEGAWA (Kazuhisa IRII, 28’). Entraîneur : Masakatsu MIYAMOTO.

Verdy Kawasaki : Shinkichi KIKUCHI – Ko ISHIKAWA, PEREIRA, Tadashi NAKAMURA (Shinji FUJIYOSHI, 40’) – PAULO, Tetsuji HASHIRATANI, BISMARCK, Tsuyoshi KITAZAWA, Ruy RAMOS – Nobuhiro TAKEDA, Kazuyoshi MIURA. Entraîneur : Yasutaro MATSUKI.

Située peu de temps après l’échéance de la 73e Coupe de l’Empereur (1er janvier 1994), la première finale du championnat japonais voit s’affronter les Kashima Antlers, vainqueurs de la phase aller (First Stage ou NICOS Series), et Verdy Kawasaki, champion de la phase retour (Second Stage ou Suntory Series). Si la présence de Verdy est tout sauf une surprise compte tenu de l’immense popularité de l’équipe au sein de la ligue ainsi que de la qualité globale de ses joueurs (regroupant stars nippones et étrangères ), celle de Kashima l’est davantage : personne n’avait vu venir cette « petite équipe de province », qui a failli ne pas accéder à la J.League et qu’on estimait bâtie sur un seul homme, ZICO, l’immense meneur de jeu brésilien, proche de la retraite (40 ans à l’époque). Or, Kashima avait remporté à la surprise générale la première phase du championnat en dépassant sans encombre les favoris, comme les Yokohama Marinos. L’effet de surprise n’a pas duré puisque Kawasaki s’est imposé avec aisance dans la seconde partie de la saison, faisant ainsi honneur à son rang. Les Antlers restaient malgré tout sous-estimés dans ce championnat. La finale était l’occasion idéale de prouver le contraire.

Malheureusement pour Kashima, l’équipe est confrontée à un problème de taille pour au match aller : ZICO est blessé et est contraint de siéger sur le banc des remplaçants. En conséquence, les Antlers ne maîtrisent pas leur match et cèdent trop facilement à la pression de leurs adversaires. A la demi-heure de jeu, suite à une erreur défensive de sa part, Ryosuke OKUNO est expulsé pour avoir retenu illicitement Kazuyoshi MIURA dans sa course vers le but. C’est le tournant du match. En seconde période, Verdy déroule et contraint Kashima à subir ses assauts. A l’heure de jeu, ’KAZU’ ouvre la marque pour Kawasaki après avoir ridiculisé la défense adverse (0-1, 60’). C’est encore lui qui provoque le pénalty permettant à son équipe de doubler la mise à quinze minutes de la fin de la rencontre, mais son tir est stoppé par Maasaki FURUKAWA, le gardien de Kashima. Héroïque dans le dernier quart d’heure, ce dernier encaisse finalement un second but de la tête de BISMARCK dans les arrêts de jeu après une mauvaise sortie sur corner (0-2, 89’). A l’issue de la rencontre, l’entraîneur de Kashima, Masakatsu MIYAMOTO, déclare que la stratégie défensive adoptée était un échec et qu’il faudra ‘attaquer’ au prochain match, en faisant explicitement référence au retour imminent de ZICO.


Le 16 janvier 1994, au Tokyo National Stadium (Tokyo),

Verdy Kawasaki Kashima Antlers : 1-1 (0-1). Spectateurs : 53 010. Arbitre : M. Shizuo TAKADA. Buts : Kazuyoshi MIURA (82’ s.p.) pour Kawasaki ; ALCINDO (38’) pour Kashima. Avertissements : Masatada ISHII (0’), Makoto SUGIYAMA (8’), ALCINDO (44’), ZICO (61’, 81’), Yasuto HONDA (68’). Expulsion : ZICO (81’) pour Kashima.

Verdy Kawasaki : Shinkichi KIKUCHI – Ko ISHIKAWA, PEREIRA, Mitsuhiro KAWAMOTO – PAULO, Tetsuji HASHIRATANI, BISMARCK, Tsuyoshi KITAZAWA, Ruy RAMOS – Nobuhiro TAKEDA, Kazuyoshi MIURA. Entr. : Yasutaro MATSUKI.

Kashima Antlers : Maasaki FURUKAWA – Yutaka AKITA, Eiji GAYA, Makoto SUGIYAMA, Shunzo ONO – Yasuto HONDA, SANTOS, ZICO, Masatada ISHII (Yoshiyuki HASEGAWA, 58’) – ALCINDO, Hisashi KUROSAKI. Entr. : Masakatsu MIYAMOTO.

Avec un déficit de deux buts, l’heure est à l’action pour Kashima, sur la même scène qu’au match aller, avec les mêmes acteurs ou presque : comme prévu, ZICO, le leader et capitaine emblématique de l’équipe, effectue son retour au sein du onze titulaire. Les Antlers sont toujours ballotés par Verdy, mais tiennent bon grâce à leur gardien Maasaki FURUKAWA qui effectue deux arrêts décisifs sur deux tirs de Tsuyoshi KITAZAWA (14’ et 33’). Arrive alors la 38e minute de jeu et la reprise de volée parfaite d’ALCINDO, démarqué dans la surface de réparation, permettant à Kashima de marquer le premier but de la rencontre (0-1). Dans la minute qui suit l’ouverture du score, le portier FURUKAWA s’illustre de nouveau en repoussant un tir puissant de Kazu MIURA. A la pause, contre toute attente, les Antlers mènent au tableau d’affichage. Cependant, il leur faut encore marquer un second but pour revenir à égalité avec leurs adversaires.


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En deuxième mi-temps, Kawasaki accentue sa domination mais ne la concrétise pas. La chance semble être du côté de Kashima jusqu’au dix dernières minutes de jeu, instant où l’arbitre Shizuo TAKADA siffle pénalty pour Verdy en raison d’un « contact » dans la surface entre PAULO et Eiji GAYA. Vingt minutes auparavant, ALCINDO avait été fauché par PAULO dans la surface de Verdy et M. TAKADA n’avait rien sifflé. Cinq joueurs de Kashima avaient écopé d’un carton jaune contre zéro pour Kawasaki. C’en était trop pour ZICO : il s’était déjà plaint du fait que la J.League refuse d’inviter un arbitre étranger pour officier aux deux rencontres, de même que de ne pas vouloir jouer la finale sur un véritable « terrain neutre » (puisque le Tokyo National Stadium servait de second stade à domicile pour Verdy). Lui qui avait tout donné cette saison ne supportait pas l’idée de perdre le premier trophée du club sur une décision litigieuse. Et il voulait le faire savoir aux instances arbitrales : alors que Kazuyoshi MIURA s’apprêtait à exécuter la sentence, ZICO l’interrompt dans sa course pour aller cracher sur le ballon placé au point de pénalty. Avec ce geste, le capitaine de Kashima est automatiquement expulsé mais entre surtout à jamais dans la légende du championnat nippon ainsi que dans le coeur des supporters des Antlers. Ce n’était que son cinquième carton rouge en 25 ans de carrière, lui qui était connu pour son comportement de gentleman sur le terrain. La suite de la rencontre est sans surprise : Kazuyoshi MIURA égalise – sans difficulté cette fois-ci – et met défintivement Kawasaki hors de danger pour son premier sacre (1-1, 82’).

A l’issue du match, alors que la presse japonaise évoque déjà le salaire annuel de « classe mondiale » du nouveau contrat de KAZU, le « Golden Boy » du football nippon, estimé à plus de 200 millions de yen, les journaux brésiliens titrent que « Kawasaki a acheté l’arbitre ». En effet, ZICO avait déclaré que ce dernier « portait le maillot de Verdy [ce jour-là] ». Choqué par l’attitude du joueur brésilien durant la rencontre, le président de la ligue Saburo KAWABUCHI a violemment condamné l’incident en disant que c’était « comme s’il avait craché sur la J.League elle-même ». Frans VAN BALKOM, entraîneur adjoint à Verdy, s’est montré moins sévère en affirmant qu’il avait « simplement pris les choses trop au sérieux ». Au final, ZICO s’est vu infliger quatre matches de suspension : un pour avoir reçu deux avertissements, un autre pour « jeu musclé » et deux pour avoir insulté l’arbitre.

Côté Verdy, la victoire finale fait taire les critiques naissantes sur le manque de cohésion interne et le fond de jeu inconsistant pratiqué par l’équipe. Bâti sur des individualités, celui-ci contraste singulièrement avec le collectif affiché par les Antlers. Seul « Kazu » MIURA a permis de souder l’ensemble du fait de son statut de capitaine.

Du côté de Kashima, la déception est immense : dans le vestiaire, le « Pelé Blanc » avait confié à son interprète qu’il ne « voulait pas être un autre joueur étranger qui faisait le minimum » et qu’il ne s’était « jamais laisser aller ». Au retour de ses coéquipiers de la cérémonie officielle de remise des médailles, il leur tint le discours suivant : « Aujourd’hui nous avons perdu. Mais je ne veux pas que vous pensiez à la défaite. Nous n’avons pas perdu parce que nous n’étions pas assez forts. Vous êtes tous des champions. Aussi, soyons fiers d’être des champions. L’ère des Antlers a commencé. »

Sources :
– Asahi Shimbun (10 janvier 1994 et 17 janvier 1994)
Nikkan Sports
– Sebastian MOFFETT, Japanese Rules, Yellow Jersey Press, Londres, 2002.

Remerciements à ’Kazu the King’ pour son aimable collaboration

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