La parole est à la défense, partie 1

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En s’inclinant en Corée du Nord, les Japonais ont ravivé de vieux doutes qu’une série d’invincibilité de plus d’un an n’avait pas suffi à complètement étouffer.
Les performances de Marcus Tulio Tanaka et Yuji Nakazawa pendant la Coupe du Monde 2010 ont créé un nouveau standard au niveau de la défense centrale. Et, peu importe s’ils ont beaucoup failli avant d’atteindre ce niveau d’excellence ou si le système de jeu ultra-défensif les a mis dans un fauteuil, la relève se doit immédiatement d’être à la hauteur sous peine d’être désavantageusement comparée à ses ainés. Si l’absence perpétuelle de Tulio est difficilement compréhensible, celle de Nakazawa peut être justifiée par son âge et le besoin de renouvellement en vue de la prochaine Coupe du Monde. Seulement, difficile de le faire entendre à une audience que le succès a rendu exigeante.
Lors de cette escapade nord-coréenne, la sortie moyenne de Yuzo Kurihara interroge sur les possibilités de changement sans que l’équipe ne perde trop de sa valeur. Yasuyuki Konno a lui souffert de son déficit de taille face à un adversaire à qui il rendait 10 centimètres et Maya Yoshida ne convainc pas en club. Cette défaite replace ainsi quelques questionnements au premier plan mais doit-on tout remettre en cause pour autant ? L’occasion de revenir sur l’évolution de la défense centrale depuis l’arrivée d’Alberto Zaccheroni et de discuter des alternatives aux présents sélectionnés.

Reconstruction

Dès le départ, Alberto Zaccheroni a surpris les médias en ne montrant aucune forme d’attention envers Tulio et Nakazawa, les deux hommes qui avaient fait de la défense japonaise une des plus solides du dernier Mondial. Si Hiromi Hara, l’intérimaire chargé de faire le pont entre le précédent sélectionneur Takeshi OKADA et le technicien italien, avait continué à faire confiance au grand défenseur des Yokohama F. Marinos, le nouveau coach a préféré tirer un trait sur le passé pour imposer ses idées.
Pour son premier match, et pas l’un des plus faciles puisque l’Argentine se tenait en travers du chemin des Japonais, il fit appel à Yuzo Kurihara, partenaire de Nakazawa en club et international occasionnel avant la Coupe du Monde, et Yasuyuki Konno, un habitué de la sélection dont la versatilité lui permettait d’occuper toutes les positions mais sans jamais s’imposer dans le onze de départ. Passée une période de rodage, les deux hommes neutralisèrent parfaitement les attaques de Messi, Tevez et leurs coéquipiers. En Konno, Zaccheroni avait trouvé le joueur rapide et intelligent qu’il cherchait pour dominer les attaquants dans le domaine du un contre un alors que son compère Kurihara assurait le rôle de la présence intimidante avec un certain succès.

Trois mois s’écoulèrent entre le dernier match de l’année 2010 et le premier de la suivante. Entre temps, Zaccheroni mit chaque moment à profit pour améliorer ses connaissances en matière de football japonais car la Coupe d’Asie se présentait dès janvier et constituait une échéance qui conditionnerait la suite de son mandat de sélectionneur.
Pour l’entrée en lice des Japonais face à la Jordanie, il dut composer avec le forfait sur blessure de Kurihara et décida de donner sa chance au néophyte Maya Yoshida. Le joueur du VVV Venlo, membre de la génération Pékin 2008, aurait certainement trouvé sa place dans l’équipe plus tôt si une blessure ne l’avait éloigné des terrains durant une année entière fin 2009. Son mètre quatre-vingt neuf et ses qualités techniques, rares pour un tel gabarit, en font une espèce d’ovni dans le football japonais et son inclusion dans l’équipe était espérée afin d’endosser le rôle du défenseur dominant dans les airs.
Son premier match ne fut pas des plus faciles : en déviant une frappe d’Abdel Fattah dans ses propres cages, il donna un avantage aux Jordaniens, que ces derniers tiendront jusqu’à la dernière minute. Mais comme pour plaider sa cause, Yoshida joua les sauveurs à la dernière minute et permit au Japon d’obtenir un nul essentiel en vue d’une qualification pour le prochain tour.
Zaccheroni décida de lui faire confiance pour le reste de la compétition et que dire si ce n’est que le résultat lui donna raison puisque les Nippons soulèveront le trophée pour la quatrième fois de leur histoire. Ce ne fut pas sans difficulté : en étant plutôt hésitant et maladroit à certains moments, Yoshida mit son coéquipier Konno dans l’obligation de compenser et parfois jouer pour deux. Son expulsion face au Qatar plaça l’équipe en grand danger et son absence se ressentit au moment d’affronter la Corée du Sud d’un Ji Dong-Won trop puissant pour son remplaçant, Daiki Iwamasa. Toutefois, au sortir de la compétition, Yoshida avait acquis une expérience supplémentaire et gagné ses galons de titulaire.
En dehors d’un penalty stupide concédé face à la Corée du Sud, Konno avait lui fait un excellent boulot et cimenté un peu plus son nouveau statut dans l’équipe.
Seulement, malgré la victoire, les réserves n’étaient pas levées et il restait encore à voir le comportement de cette charnière face à une opposition non-asiatique.

Le tsunami en mars fut une terrible tragédie pour le Japon et ses effets sur le calendrier du championnat poussèrent la fédération à se retirer de la Copa America imminente,  qui aurait pu être une formidable occasion de voir la défense en action face à certaines des meilleures équipes au monde.
A la place, il fallut se contenter de matches de Kirin Cup contre le Pérou et la République Tchèque, ennuyeux certes, mais pas dénués d’intérêt dans le sens où ils permirent à Zaccheroni d’expérimenter une défense à 3 dont il était adepte quand il entrainait en Italie. Même s’il n’y eut pas de but encaissé, difficile de considérer l’expérience comme un succès tant le désavantage numérique au milieu de terrain a semblé insurmontable. Parce qu’il sait que la force de son équipe se situe plus dans sa capacité à créer le jeu qu’en celle de le détruire, Zaccheroni s’est résolu à ne plus utiliser ce système dès le départ. On retiendra que Masahiko Inoha et Tomoaki Makino ont montré qu’ils étaient capables de tenir le poste dans cette mise en place spécifique.

Pour l’entrée des Japonais dans les qualifications pour la prochaine Coupe du Monde, le sélectionneur revint à un schéma plus classique qui vit Konno et Yoshida être associés de nouveau. Si la Corée du Nord ne fut pas une menace à domicile, les Ouzbeks causèrent bien plus de soucis et les Samurai Blue ne quittèrent pas Tashkent sans avoir encaissé un but. Sans un Kawashima survolté dans les cages, l’addition aurait pu être plus lourde et les questions sur la fiabilité de Yoshida ressurgirent. Si lors de certains matches il peut paraître impérial et séduisant dans toutes ses interventions, durant d’autres il est capable d’enchainer les maladresses indignes du plus haut niveau.

Toutefois, la première défaite du Japon ne fut pas à mettre sur son compte. Dans une ambiance intimidante, une équipe nippone majoritairement composée de remplaçants s’inclina devant une Corée du Nord survoltée.
Malgré la rotation et comme pour prouver son nouveau statut de pion essentiel, Konno était aligné et retrouvait Kurihara, revenu dans la sélection après sa blessure. Les deux hommes, mal protégés par leurs milieux et leurs latéraux, furent dominés dans le domaine aérien et ce ne fut pas un hasard si le but des Nord-coréens vint d’une tête de Pak Nam-chol.
Si cette défaite n’est pas une catastrophe en soi, elle suscite des inquiétudes vis-à- vis de la qualité des remplaçants et de la capacité de la défense à tenir face à des oppositions plus fortes que la Corée du Nord. Il convient de rappeler que ce contexte, en dictature « ennemie » avec confiscation des biens personnels et intimidation physique, ne se représentera plus et qu’il y a de fortes chances que les germes de la défaite y aient été plantés. Seulement, force est de constater que Kurihara n’inspire pas la sérénité et qu’il ne se passe pas un match sans qu’une de ses interventions ratées ne mette l’équipe en danger. Comme pour Yoshida, dans la globalité son jeu reste efficace mais l’une de ses erreurs finira forcément par se payer cher un jour ou l’autre. Quant à Konno, c’est le défenseur japonais le plus talentueux à l’heure actuelle si bien qu’on n’envisage plus l’équipe sans lui. L’idéal serait de lui trouver un partenaire à sa hauteur… mais existe-t-il ?

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