Javier Aguirre : << Le Japon a besoin de rouerie ! >>

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Nouveau sélectionneur du Japon, Javier Aguirre s’est exprimé longuement dans les colonnes de Marca. Les raisons de son choix, ses objectifs, les lacunes du football japonais, le mexicain se confie sans détour dans une interview savoureuse que Nippon-Ganbare a décidé de vous traduire ! 

Javier Aguirre, pourquoi cette décision d’entraîner le Japon ? 

Il s’agit d’un projet sérieux, avec pas moins de 16 joueurs de bon niveau qui évoluent dans les différentes ligues européennes. J’y bénéficie d’une grande stabilité de travail, ce qui me permettra de développer ma propre idée du jeu. Ces derniers temps, je n’avais jamais signé de contrat de plus d’un an. Là, au Japon, j’ai signé pour quatre ans. C’était le bon moment par rapport à mon âge et mon expérience.

Auriez-vous pu continuer en Espagne ? 

L’Espanyol m’a proposé de continuer. J’ai également reçu des offres de la part d’autres sélections, et de clubs européens. Mais, concernant le Japon, ç’a été une décision familiale et professionnelle mûrement réfléchie.

En aviez vous marre de la Liga espagnole ? 

Marre ? Non. Mais je souhaitais un nouveau challenge, un nouveau défi. La Liga est un délice, mais il y a très peu d’argent, et à la fin, on se retrouve souvent à lutter contre la relégation. Je remercie toutefois l’Espanyol et je suis reconnaissant envers tous les gens du club. Je quitte l’Espagne la conscience tranquille, après 11 ans passés là-bas.

Vous reviendrez ? 

En Espagne ? Toujours. J’y garde ma maison, et mes parents étaient espagnols. Une grande partie de ma vie est là-bas. Toutefois mes enfants ont grandi, et plus aucune attache familiale ne me lie actuellement à ce pays. Je peux donc m’exiler pour quatre ans au Japon. Je vais tourner la page espagnole, comme j’ai tourné celle du Mexique. Je n’ai pas l’intention de partir un an pour revenir en Espagne.

Vous partez donc au Japon. Pourquoi pensez-vous avoir été choisi ? 

C’est un intérêt de longue date. A la fin de ma Coupe du monde 2010 avec le Mexique, j’ai rencontré des japonais à Madrid, mais même si je n’avais pas de club à l’époque, je ne pouvais pas m’engager, et ce pour des raisons familiales. Je sais qu’ils aiment le style de jeu que j’ai mis en place avec le Mexique, en 2002 et en 2010. De plus, les joueurs japonais ressemblent aux mexicains : petits et rapides, ils aiment tenir la balle, jouer offensif et défendre avec une ligne de cinq. C’est l’idée.

Que pensez-vous qu’il manque au football japonais ?

Du fait du respect, il lui manque une certaine compétitivité, et c’est ça que je vais essayer de leur transmettre : une meilleure gestion des matchs, une tonicité latine… Evidemment, sans oublier le fair-play. De manière générale, je considère que le Japon possède un style rapide, qu’il a beaucoup progressé techniquement mais pas en terme de roublardise. C’est sûrement une équipe trop naïve, footballistiquement parlant. Ils doivent être plus compétiteurs. C’est quelque chose de primordial, et il va falloir le travailler.

Cela s’annonce difficile car, cela implique un changement des mentalités, voire une évolution culturelle, non ? 

Oui. Nous, les latins, nous apprenons ça dans la rue. Eux ont un fair-play plus culturel. Je vais essayer, au-delà du style de jeu que je veux mettre en place, de leur apprendre la roublardise dans les moments clés. Un gardien qui gagne du temps à la dernière minute, un joueur qui garde le ballon au poteau de corner quand il reste 15 secondes… Autant de choses qui dépassent le cadre des règles du jeu – sans pour autant le salir – et que les japonais n’ont pas, ce qui les empêche d’être compétitifs.

Prendrez-vous aussi en charge l’équipe des J.O 2016 à Rio ? 

Non. Je ne m’associerai pas à la campagne de Rio 2016, mais je conseillerai effectivement le sélectionneur en place (NDLR : Makoto Teguramori, hélas !), sans avoir de responsabilité directe. Je m’occuperai seulement de l’équipe première. Je devrai aussi être attentif au championnat local (J-League) pour voir si de nouveaux joueurs émergent, et je voyagerai dans toute l’Europe afin de suivre la grosse quinzaine de joueurs que nous avons dans les différents championnats.

Honda, Kagawa, Nagatomo… Ce n’est pas mal du tout, comme équipe.

Il y a de quoi faire, c’est vrai. En Espagne, nous avons à présent Mike Havenaar, qui vient de signer au Cordoba CF, mais il y en a plusieurs aussi en Italie et en Allemagne. Je vais voyager pas mal, regarder beaucoup de vidéos. Mais, en effet, il y a de la matière. Techniquement, c’est un très bon football.

 En janvier se joue la Coupe d’Asie, dont le Japon est tenant du titre. Alors, gagner ou gagner ? 

Le Japon vient de remporter trois des quatre dernières coupes d’Asie et constitue l’une des trois grandes puissances du continent avec l’Australie, qui sera le pays hôte, et la Corée du sud. Mais, en effet, on vise la victoire, avec en ligne de mire un qualification pour la Coupe des confédérations 2017, en Russie.

Cependant, l’objectif prioritaire est de vous qualifier pour le mondial 2018 et d’y passer les huitièmes de finale, chose que le Japon n’a encore jamais réussie. Cela ne vous effraie pas de jouer quatre années de travail sur seulement quatre matchs ? 

Non, parce que j’y ai été habitué avec le Mexique, bien qu’à chaque fois, en 2002 comme en 2010, je ne suis resté qu’un an et des poussières. Avec le Japon, le mondial 2018 sera la phase finale de mon travail. Certes, les trois ou quatre matchs dont vous parlez seront vitaux, mais cela constituera surtout la fin de mon cycle, et non l’unique objectif.

Et qu’en est-il de la langue japonaise ? Pourra-t-on voir un Javier Aguirre façon Pep Guardiola, qui s’est exprimé en allemand dès sa première conférence de presse ? 

(rires) Non, je vais avancer pas à pas. Je vais étudier tous les jours pour me débrouiller sur les sujets essentiels, basiques. J’ai entendu Diego Forlan (joueur du Cerezo Osaka) et j’ai été surpris de le voir s’exprimer en japonais dès sa présentation. Mais il me faudra en faire davantage. Je vais attendre un peu pour m’exprimer mieux en japonais. L’anglais me servira beaucoup.

Source : Marca

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