Javier Aguirre : « Les fans seront fiers de leur équipe ! »

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Le nouveau sélectionneur du Japon a accordé une interview à FIFA.com, que l’équipe de Nippon-ganbare a décidé de vous traduire.

Javier Aguirre, comment vivez-vous vos débuts à la tête de l’équipe nationale japonaise ? 
Je suis en train de prendre la mesure de ma fonction, de réaliser mon apprentissage vis-à-vis des joueurs locaux. Nous avons 19 joueurs basés en Europe, mais nous avons besoin de connaître mieux les joueurs de J-League. Nous n’avons pas eu encore beaucoup de temps pour le faire, mais mon équipe et moi travaillons dur dans ce sens. Notre première sélection a dû se faire dans la précipitation, parce qu’il fallait prévenir les « européens » 15 jours à l’avance. Le temps était donc compté. Mais nous sommes sur la bonne voie.

Avez-vous déjà été au Japon ? Quelles ont été vos impressions ? 
Je suis venu ici plusieurs fois, mais le plus grand souvenir, c’est bien sûr mon passage avec le Mexique à la Coupe du monde 2002. Beaucoup de choses ont changé depuis. Avant, il était très difficile de trouver des produits étrangers ou des gens qui comprenaient et parlaient l’anglais. Maintenant, vous pouvez vivre à Tokyo comme dans n’importe quelle grande capitale du monde. Et tant que vous faites un peu d’efforts pour vous adapter, vous n’aurez pas de problèmes. Nous sommes très heureux de découvrir la culture locale, de nous habituer à ce nouveau rythme de vie… Lorsque vous débarquez dans un nouveau pays, c’est à vous de vous adapter, pas l’inverse.

Vous êtes le premier coach mexicain à prendre en charge une sélection hors de la CONCACAF. Comment en êtes-vous arrivé à diriger le Japon ? 
On m’a contacté pour la première fois en 2010, après la Coupe du monde. A ce moment-là, la JFA me désirait, mais mon fils allait encore à l’école. Nous ne pouvions donc pas quitter l’Espagne. Puis, quatre ans plus tard, leur intérêt a refait surface. J’avais déjà dit à l’Espanyol Barcelone que je ne resterais pas. Ca aurait été difficile de prolonger chez eux, car il y avait très peu d’argent pour renforcer l’équipe. J’ai donc choisi de démissionner. J’ai eu des offres pour rester en Europe, mais je voulais élargir mon champ d’action. Et c’est là que le Japon s’est manifesté. La forme de leur projet m’a séduit. J’ai ai bien sûr discuté avec ma femme, et j’ai été excité par la perspective de participer à ma cinquième Coupe du monde (joueur avec le Mexique en 86, entraîneur adjoint avec le Mexique en 98, sélectionneur du Mexique en 2002 et 2010).

Qu’est-ce qui vous a impressionné dans le projet du Japon, et que pensez-vous qu’il faut améliorer ? 
On bénéficie d’une grande surface financière, le championnat local est solide et il y a beaucoup de joueurs basés en Europe. Toutefois, après avoir vu certains matchs de J-League, j’ai eu parfois l’impression d’assister à des matchs amicaux – comme je l’avais entendu dans certains témoignages. J’ai senti qu’il leur manquait un peu de roublardise. Le ballon sort du terrain 8 à 10 fois par match dès qu’un joueur est touché, et le jeu est arrêté 10 à 12 fois par match pour permettre aux joueurs de boire de l’eau… Ce genre de choses impacte le niveau des équipes nationales. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, seulement, c’est très différent de ce à quoi j’ai été habitué en Espagne, ou au Mexique. Là-bas, on joue chaque instant comme si c’était une question de vie ou de mort.

Comment instiller cette rouerie ? 
Ce n’est pas facile. Le football se joue de moins en moins dans la rue. A mon époque, on apprenait le football entre deux voiture qu’on tentait d’esquiver, ou dans une cour de récré, alors que maintenant, tout est enseigné de façon plus stricte. Mais vous devez essayer quand même d’instaurer une sorte de roublardise, tout en respectant les règles du jeu bien sûr. Je veux apprendre à mes joueurs à ne pas se jeter à corps perdu dans les matchs pendant 90 minutes, ils doivent savoir gérer un résultat. Je ne parle pas de triche ou de violence, non, je veux juste m’assurer que les adversaires aient conscience que nous sommes vraiment « dans le match ».

Curieusement, sélectionneur du Mexique Miguel Herrera a dit quelque chose de semblable après leur défaite aux Pays-Bas au Brésil… 
Parfois, c’est ce dont vous avez besoin ! Je veux dire, quand vous menez à la 85e minute, vous allez récupérer le ballon plus lentement, vous allez jouer des corners à deux, vous refaites vos lacets … De cette façon, vous utilisez des précieuses secondes sans enfreindre les règles. Qu’est-ce que l’arbitre peut faire à ce sujet ? Vous devez avoir cette roublardise, tout en restant dans les règles.


Culturellement parlant, qu’est-ce qui vous a le plus frappé depuis que vous êtes au Japon? 
Le profond respect envers autrui. Même dans les conférences de presse, tout est parfaitement ordonné. Il y a aussi le respect montré envers la nature, envers le prochain. C’est vraiment frappant de voir combien les gens sont respectueux à votre égard. Tokyo est une métropole avec des millions d’habitants et on s’imaginerait un ville sens dessus dessous, mais la qualité de vie est incroyable. Tout est très bien entretenu et ordonné, ce qui aide beaucoup  au progrès. Nous nous sentons très à l’aise ici. Il est vrai qu’il y a la barrière de la langue, mais nous allons d’apprendre au moins quelques mots pour être capables de comprendre les bases. Je suis venu ici avec ma femme et un de mes enfants, et ce dernier m’aide beaucoup concernant l’équipe.

En parlant de conférences de presse, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos premières relations avec la presse? 
Tout le monde a été très poli jusqu’ici. Il y a beaucoup d’attentes, les gens sont impatients de nous voir commencer à jouer. Ils me voient comme un entraîneur aguerri (sic), courageux, et j’en suis ravi. Nous allons mettre en place une équipe combative, tout en essayant de jouer un football agréable en même temps. Nous voulons construire une équipe qui peut rivaliser avec tout le monde, partout où nous jouons.

Quelle est la durée de votre contrat ? 
Deux ans, plus deux autres en option. Il y aura un bilan au terme des deux premières années, mais notre but, l’objectif principal, c’est d’être là en 2018.

Intéressant. C’est la première fois que prenez en charge une équipe au début d’un cycle de Coupe du monde, qui dure 4 ans.
Et j’en suis très heureux ! Dans le football moderne, il est très difficile d’obtenir la stabilité de l’emploi. Quel que soit votre contrat, si les résultats sont contre vous, il n’y a aucune garantie. Les deux fois où j’ai pris en charge le Mexique lors des qualifications à la Coupe du Monde, on m’a donné le poste avec très peu de temps pour travailler, il était donc surtout question de colmater les brèches et essayer d’obtenir suffisamment de points pour nous qualifier. Cette fois, j’ai eu – finalement – la chance de commencer un cycle depuis le début. C’est peut-être une question d’âge, mais je pense que c’est la bonne décision pour moi, après avoir passé plus de dix saisons de coaching en Espagne, où le travail en club au quotidien était très éprouvant. Diriger une équipe nationale est un travail tout aussi exigeant, mais sans l’intensité des matchs chaque week-end.

Changeons un peu de sujet : quel a été votre opinion sur la performance du Mexique au Brésil 2014? Que doivent-ils faire pour atteindre les derniers tours de la Coupe du Monde ? 
Dans l’ensemble, je pense que le Mexique a fait de très bonnes choses. Le mérite revient à Miguel Herrera, qui a bien préparé son équipe et l’a rendue compétitive en seulement quatre ou cinq mois. Cela fait six fois consécutives que l’on passe le premier tour de la Coupe du monde, maintenant. Un exploit seulement égalé par l’Allemagne et le Brésil. La Ligue mexicaine s’est beaucoup améliorée, elle est bien gérée, son infrastructure est très développée et de plus en plus de joueurs se déplacent vers l’Europe. Si Miguel peut poursuivre son travail les quatre prochaines années et si les gens respectent le travail qu’il fait, je pense que le Mexique peut atteindre les quarts. Nous nous en rapprochons sans cesse. Peut-être que nous pourrions aussi compter sur un tirage favorable, cette petite dose de chance dont vous avez toujours besoin lors de grandes compétitions.

Vous parlez toujours du Mexique en disant «nous». Aimeriez-vous les rencontrer avec le Japon? 
(Rires) Je pense que c’est peu probable ! Avec un peu de chance, nous pourrions les croiser à la Coupe des Confédérations en 2017 [si le Mexique remporte la Gold Cup de la CONCACAF, et le Japon la Coupe d’Asie de football] !

Dernière question : y a-t-il un message que vous aimeriez transmettre à vos supporters, au Japon? 
Juste qu’ils seront fiers de leur équipe : je leur promets que nos joueurs vont se battre avec rage, où qu’ils jouent. Notre projet est de pratiquer un bon football et, bien sûr, de gagner.

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