J-League : Kashiwa Reysol, la jeunesse conquérante

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C’est avec plaisir que l’équipe de Nippon Ganbare vous présente une nouvelle contribution d’un lecteur. Elle nous vient de Ayakashi, dont le goût prononcé pour l’analyse tactique est maintenant connu sur le forum, et qui, cette fois-ci, se propose d’étudier le système de jeu qui a fait renommée du Kashiwa Reysol au cours de cette saison 2016 de J-League. On espère que vous apprécierez tout autant que nous cette lecture et ces visionnages riches d’enseignements !

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En reprochant à la J-League son manque de rythme et le peu de confiance accordé aux jeunes, Vahid Halilhodzic n’est pas vraiment à côté de la plaque. Au milieu de ces allergies au pressing et à la jeunesse, Kashiwa Reysol se distingue en faisant tout le contraire.

La formation comme credo

Le football japonais est pleinement entré dans ce qu’on pourrait appeler «la classe moyenne du football». A ce moment-là, il est très facile d’oublier de se remettre en question et de ne tirer des leçons que du résultat. Parce que les grands, eux, ils ont la soi-disant «culture de la gagne», ce concept complètement hasardeux. En revanche, certaines équipes choisissent de miser sur le jeu, en planifiant un maximum leurs attaques tout en se laissant une certaine liberté indispensable et inévitable dans le dernier tiers du terrain. Kashiwa Reysol fait partie de ces équipes-là. Cette saison, le club était sous la direction, dans un premier temps, de Milton Mendes. Deux défaites et un nul plus tard, le brésilien fait déjà ses valises et laisse sa place à Takahiro Shimotaira. Le jeune entraîneur japonais, qui était l’assistant de Mendes, a joué pour le club durant sa carrière de joueur avant de prendre en main les U-18 de Kashiwa.

Il y connaîtra d’ailleurs un certain succès puisque les jeunes de Reysol remportent le championnat en 2012 et une coupe régionale en 2014. Shimotaira aura eu l’occasion d’appliquer ses méthodes avec des joueurs comme Kosuke Nakamura, Shinnosuke Nakatani, Ryosuke Yamanaka, Hiroki Akino, Yusuke Kobayashi et Hiroto Nakagawa, tous dans l’équipe première aujourd’hui. Les jeunes prometteurs du club et leur entraîneur partagent une trajectoire ascendante qui va de pair avec le tempérament de l’équipe sur le terrain.

Car, au-delà des performances plus que satisfaisantes à leur âge, certains jeunes de Reysol se distinguent par leur caractère. Nakamura n’hésite pas à relancer court même sous la pression ou à tacler franchement dans sa surface si nécessaire, Nakatani fait également preuve d’une belle maturité : patron dans les airs et serein à la relance avec une bonne lecture du jeu en prime. Quant à Akino, il n’est pas vice-capitaine pour rien.

Reysol est donc en train de bâtir une identité forte, qui ne demande qu’à prendre de l’ampleur. Ces qualités techniques et cette jeunesse font écho à l’insouciance d’un groupe qui affiche environ 25 ans de moyenne d’âge au compteur. Ajoutons à cela des joueurs mûrs et décisifs comme Diego Oliveira et Cristiano, et voilà Kashiwa avec un équilibre naissant et déjà séduisant.

La confiance affichée par cette jeune garde n’est, d’ailleurs, pas anodine. L’équipe a des bases solides et un style idéal pour la progression des jeunes, et ça, elle le doit en partie à son entraîneur.

Jeu de position et conquête du terrain

Parlons-en, de ce style. Kashiwa n’est pas la seule équipe de J-League à vouloir conserver le ballon, jouer haut et maîtriser le match, loin de là. Kawasaki et Urawa le font bien et même mieux concernant les Reds. En revanche, le déchet de Reysol peut s’expliquer par une phase défensive bien plus ambitieuse. Si offensivement, les mouvements des joueurs peuvent faire penser à un 4-4-2, 4-2-3-1 voire 3-4-3, quoi qu’il arrive le 4-4-2 reste de mise à la perte du ballon. Sauf si le système de base est différent.

Le choix de Shimotaira est d’autant plus pertinent puisque, avec son pressing tout terrain, Reysol couvre au mieux le terrain avec :

РDeux attaquants pour g̻ner la relance

– Une ligne de quatre pour continuer le pressing

РUne deuxi̬me ligne de quatre pour maintenir un bloc court

Cela reste assez classique mais terriblement efficace. Shimotaira et sa jeune troupe poussent l’audace jusqu’à l’application de ces principes quel que soit l’adversaire. Et cela paye, en témoigne le cinglant 5-2 infligé à Kawasaki, sur son propre terrain.

Voilà donc le deuxième grand critère, après la jeunesse, qui distingue Kashiwa des autres équipes japonaises : une volonté de conquérir le terrain en permanence. En comparaison, les deux références tactiques du championnat que sont Urawa et Kawasaki pressent de façon plus irrégulière.

Le travail défensif ne s’arrête pas là. Lorsque Reysol ne peut plus presser, les deux attaquants restent légèrement au-delà de la ligne médiane pour continuer à gêner la relance, et le bloc reste court pour restreindre les espaces et ne pas récupérer le ballon trop bas, afin de contrer plus efficacement. C’est notamment ce qui leur a permis de ne pas exploser contre Frontale et de contrôler le retour des hommes de Kazama. Les contres assassins de Reysol ont tué le match. Kashima en a fait les frais également. Shimotaira a donc choisi un bloc médian agressif comme alternative pour éviter au maximum à son équipe un regroupement dans sa propre moitié de terrain. Je vous propose de voir l’animation défensive en images. Je précise bien que cela ne reflète en aucun cas une vérité mais une opinion. Je vous conseille d’ailleurs de jeter un Å“il à ce site qui m’a fortement inspiré pour cette analyse. En principe, vous pouvez regarder la vidéo sans faire pause ; si ça va tout de même trop vite, n’hésitez pas à le faire.

Offensivement, Kashiwa est tout aussi ambitieux et sait créer de la largeur et de la profondeur. Une circulation de balle d’un côté à l’autre avec deux à trois joueurs (lorsque Akino redescend entre les centraux ou que Barada passe en défense centrale) pour relancer et chercher l’homme libre. Ce que j’appelle l’homme libre, c’est tout simplement le joueur démarqué qui est volontairement recherché dans le jeu de position. Un exemple d’homme libre ci-dessous :

Ce principe s’applique sur toute la phase offensive, comme nous allons le voir. Reysol s’organise avec deux attaquants qui se placent dans les half-spaces pour profiter d’un coulissement du bloc adverse. Celui-ci sera naturellement trop lent à force de bouger, et cela bénéficiera aussi aux ailiers prêts à attaquer le côté faible. Le danger est donc partout. Je vous propose de regarder ce que donne l’animation offensive de Kashiwa. Observez bien le numéro 22 et latéral gauche, Naoki Wako et le numéro 14 et ailier droit, Junya Ito.

Les circuits de jeu de Shimotaira permettent non seulement à ces joueurs-là de s’exprimer, mais ont aidé les deux brésiliens Diego Oliveira et Cristiano à devenir incroyablement efficaces : 14 buts et 7 passes décisives pour le premier, 19 buts et 11 passes décisives pour le second, toutes compétitions confondues.

Revenons au jeu de position. La différence entre une équipe avec ces circuits de jeu précis comme Kashiwa et une autre qui ne les a pas, c’est l’intention. C’est sur ce point-là que l’on peut repérer une équipe cherchant à pratiquer ce style, en se déplaçant et en faisant tourner le ballon de façon à trouver un joueur démarqué dans une bonne position. Quant aux autres équipes, cette inconscience des espaces et leurs intentions inexistantes font que cela relève plus de l’improvisation. Le but est du jeu de position est donc d’improviser seulement dans le dernier tiers du terrain et non dès le début. De la relance à la zone de finition, une vraie ligne directrice se créée. Prenons en exemple une équipe qui est plus dans l’improvisation, à savoir le Japon d’Halilhodzic. Une équipe typique qui maîtrise ses matchs sans pour autant planifier minutieusement ses attaques :

Vous l’aurez peut-être remarqué, mais la différence de comportement entre Sakai et Wako est frappante. De plus, aucun ailier japonais ne se retrouve dans une situation similaire à Ito. Cependant, il n’y a pas qu’une manière de pratiquer le jeu de position. Si on ne libère pas les ailiers, l’homme libre peut être trouvé dans l’axe, vous en avez eu un aperçu avec une nouvelle fois Naoki Wako. Même constat ici concernant le Japon, aucun homme libre dans l’axe à l’horizon.

Tout cela est tellement beau sur le papier qu’on finit par se demander pourquoi Kashiwa n’a pas participé au Championship. Sans doute parce que toute cette intensité provoque un déchet technique plus ou moins important selon les matchs, même chez les cadres.

De plus, la maîtrise du jeu de position est loin d’être parfaite. Les attaquants ont parfois du mal à se retourner, Cristiano, Ito ou Taketomi n’exploitent pas toujours les bonnes situations de un contre un créées sur les côtés, ce qui est pourtant le point fort de cette équipe.

Kashiwa Reysol reste pour moi l’équipe la plus intéressante en J-League cette saison. Une animation offensive ambitieuse, de l’intensité des deux côtés du terrain et du sang frais pour appliquer une méthode qui a une vraie continuité et des objectifs précis. En voilà une belle surprise qu’Halilhodzic ne peut pas manquer. Ça ne sera pas pour 2016, mais il faudra sans doute compter sur l’insouciance et la soif de conquête de ce groupe jeune et plein d’ambitions à l’avenir !

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