Equipe nationale : à la recherche de l’ancre perdue

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Dans la rubrique contributions des lecteurs du forum Nippon-Ganbare, vous pouvez nous proposer un texte sur un sujet de votre choix. Dans la mesure du possible, l’équipe publiera le texte. C’est aujourd’hui Ayakashi qui vous propose une réflexion tactique sur la place du meneur de jeu de l’équipe nationale, ce fameux « point d’ancrage ». Bonne lecture, et merci à lui.

504353KeisukeHonda

Au fur et à mesure de sa progression, le Japon s’est vu obligé de ralentir le rythme, particulièrement en Asie. Statut de favori et espaces restreints ont empêchés les japonais de développer un jeu direct et au sol. Le manque de caractère au sein des Samurai Blue impacte également le secteur offensif, les exploits individuels se faisant rares. Que faire dans ce cas là ? Favoriser l’intelligence et la technique. Les combinaisons, les mouvements, remuer la défense adverse et lui donner le tournis.

Passées ces généralités, il était rassurant de constater qu’avec Zaccheroni, le Japon tenait la bonne formule avec un jeu de positions permettant de créer de la profondeur et bien souvent Okazaki se chargeait de punir les égarements adverses. Un profil légitimait à lui tout seul ou presque ce style de jeu : le point d’appui. Ce joueur qui prenait place dans l’axe du terrain pour stabiliser les japonais dans le camp adverse était devenu indispensable lorsque la différence ne venait pas d’une individualité. Bien entendu, il s’agissait de Keisuke Honda. Avec Honda, le Japon jetait l’ancre. Cette facette de son jeu permettait à ses coéquipiers d’arriver à bon port dans la moitié de terrain adverse, afin d’assoir une domination qui évitait un maximum les duels. Et, au fond, c’était peut-être la meilleure façon de défendre pour les Samurai Blue. Si Endo dictait le rythme des attaques, dans le dernier tier du terrain, les japonais vivaient au rythme de l’ancien moscovite. Un rythme qui était fait de déviations inspirées, de frappes puissantes et de décrochages bien sentis. Quand le jeu s’accélérait, Honda était là pour valider l’offensive. Depuis, Seedorf, Inzaghi puis Mihajlovic sont passés par là et ont installés définitivement le numéro 4 japonais à droite en club. Aguirre et Halilhodzic ont suivis le mouvement en sélection.

De ce fait une question légitime se pose depuis la fin de l’ère Zaccheroni : qui pour succéder à Honda ? Qui est le fameux point d’ancrage susceptible de redonner des certitudes à des japonais redevenus timides dans le jeu ?

Premièrement, difficile d’imaginer un milieu offensif reprendre ce rôle. Que ça soit Kagawa, Usami voire Kiyotake, pas de jeu dos au but à l’horizon. A mon sens, les solutions se trouveraient plus au poste d’attaquant. Ce qui n’est pas vraiment une bonne nouvelle vue la pénurie japonaise à ce poste depuis un certain temps maintenant.

Le candidat ayant le profil le plus intéressant pourrait bien être Yuya Osako. Oui il manque encore de muscles, mais il reste un vrai point d’appui avec tout ce que cela implique dans le style du Japon : jeu dos au but, technique suffisante pour conserver le ballon et faire des déviations courtes et une capacité à se retourner balle au pied, sans oublier un jeu de tête très correct. Problème, l’ancien de Kashima Antlers stagne un peu à Cologne, pire encore, il est baladé sur tout le front de l’attaque. Osako à lui tout seul soulève une vraie question idéologique quant à la composition de l’effectif japonais. Faut-il sélectionner des joueurs en fonction du projet de jeu uniquement et placer la forme du moment au second plan ou faut-il former un collectif avec les joueurs qui s’en sortent le mieux en club et bâtir un projet en fonction des hommes à disposition ? Un vrai casse-tête qui m’éloignerait bien vite du sujet tant la question est complexe à appréhender.

Revenons aux attaquants. Pour moi, un autre se détache même si il représente un gros pari : Yoichiro Kakitani. Lors de la préparation au Mondial, un début d’entente naissait avec Honda et Kagawa. Malheureusement lui aussi manque de muscles et a également été baladé à tous les postes au FC Bâle. Et comme si ça ne suffisait pas, son expérience européenne s’est révélée être un échec cuisant. Un retour en sélection passera forcément par une remise en forme au Cerezo Osaka. De plus, la compétitivité entre les équipes européennes et les meilleures équipes asiatiques n’est pas la même qu’en J2. Il ne s’agit pas là de faire confiance à un attaquant qui assurera seulement contre Oman et l’Afghanistan avec tout le respect dû à ces sélections.

Osako et Kakitani ont tout de même plusieurs points communs qui rendent leurs profils intéressants : appuis solides (moins pour Kakitani), technique et vivacité. Ils ont désormais une petite expérience de la sélection et connaissent le poste. Leur faire confiance demanderait sans doute une certaine patience pour que confiance et compétitivité suivent.

Les autres attaquants ayant déjà été testés et pouvant peser sur les défenses adverses ne font pas rêver. Le très décrié Havenaar aura peut-être droit à une énième chance en sélection, Kawamata en a eu une non négligeable à l’EAFF pour un résultat loin d’être convaincant et Minagawa, à l’image des deux autres, est trop léger techniquement. Être costaud, gagner des duels de tête, c’est bien, mais est-ce vraiment le point d’ancrage adapté pour le Japon ? Quitte à assumer leur faiblesse physique, les japonais ne seraient-ils pas plus à l’aise dans un jeu exploitant de manière radicale leurs qualités ? Je pense que le cycle Zaccheroni donne un élément de réponse. Une Coupe d’Asie gagnée, un jeu agréable, des automatismes et une véritable identité sur les plans technique et tactique. Certes l’échec brésilien nuance le tout, il faut tout de même bien garder dans un coin de la tête que les Samurai Blue ont reniés leurs principes fondamentaux dans cette compétition. Une prudence excessive faisant ressurgir des lacunes qui avaient été gommées à travers les années sans disparaitre définitivement. Il n’y a qu’un pas entre les vieux démons et les certitudes permettant de les balayer. Et si ces principes de jeu étaient justement le garant du capital confiance japonais ? Le style Zaccheroni Japan serait alors semblable à des dominos qui seraient tous tombés en tentant de replacer la pièce Honda. La bonne vieille «Honda-dépendance».

Car finalement, c’est peut-être dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures. Inutile de s’imaginer un replacement de Honda en dix à mon avis, l’avènement de Kagawa dans l’axe me parait acté. Cependant une autre alternative serait intéressante afin de pallier cette pénurie d’attaquant : jouer… sans attaquant. Voir un replacement de Honda en faux neuf semble osé, mais pas farfelu. Kagawa pourrait jouer face au but plus facilement, l’équipe retrouverait finalement son point d’ancrage et la profondeur pourrait passer une nouvelle fois par Okazaki à droite voire Muto de l’autre côté ou Usami pour diversifier le jeu. La seule différence étant que ce fameux appui se trouverait plus haut. Rien de bien révolutionnaire en somme, mais un détail qui pourrait être décisif.

Jusque là, il n’y a pas de quoi s’alarmer, le Japon tient son rang dans les éliminatoires. La question du jeu reste tout de même fondamentale car il est le coeur du style japonais. Certes les hommes de Vahid Halilhodzic doivent passer progressivement les étapes menant au Mondial 2018, mais aborder la phase finale des éliminatoires voire la Coupe du Monde avec de telles incertitudes pourrait coûter cher. En attendant de résoudre ses problèmes offensifs, le Japon vogue en eaux troubles, à la recherche de son ancre perdue.

Ayakashi

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