Bilan de fin de saison : Shimizu S-Pulse (9/18)

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Shimizu S-Pulse termine la saison 2011 à une très médiocre 10ème place au classement. Décryptons les raisons d’une année mi-figue mi-raisin ainsi que celles d’y croire en 2012.

Les oranges épluchés

20 ans après, une même perplexité

A l’orée de la saison 2011, l’attente était au moins aussi grande que l’inquiétude tant les départs combinés de plusieurs joueurs-clé de l’équipe (Shinji OKAZAKI, Frode JOHNSEN, Daisuke ICHIKAWA ou encore Akihiro HYODO, pour ne citer qu’eux) défigureraient l’effectif si longuement dessiné par Kenta HASEGAWA au fil des saisons précédentes. Pourtant, il était aussi possible que des changements radicaux puissent annihiler cet effondrement, devenu chronique, sévissant dans le club chaque saison aux alentours de la 30ème journée et dont le caractère répétitif aura sûrement fini par lasser la dizaine de paires de chaussures titulaires, en plus d’avoir eu raison de l’entraîneur emblématique. Malgré l’importance des changements dans l’équipe, les nouveaux arrivants additionnés aux espoirs locaux entrevus en 2010 permettaient alors de ne pas appréhender la saison avec un pessimisme profond. Les supporters espéraient beaucoup de la Golden Combi composée de Shinjo ONO au milieu et du briscard Naohiro TAKAHARA à l’avant, qui, malgré son âge et quelques déceptions passées, arrivait avec plein de bonne volonté. Aussi, Genki OMAE allait pouvoir prouver qu’OKAZAKI n’était pas irremplaçable et que l’équipe possédait toujours en sa personne et celle de Toshiyuki TAKAGI, le tout jeune arrivant de Tokyo, d’Alex BROSQUE, l’Australien autoritaire, de Sho ITO, l’éternel espoir et de TAKAHARA, un grand potentiel offensif.

Genki OMAE

Malgré une première défaite assez large contre le futur champion, qui aurait pu déclencher le scénario le moins agréable imaginé par les fans, Shimizu S-Pulse présente par la suite la particularité de construire ses actions à la fois avec beaucoup d’adresse, du moins lorsque le chronomètre leur est favorable, et généralement très avancé dans le camp adverse. Cela est possible grâce à la patte toujours rapide et précise de Shinji ONO, qui reste le chef d’orchestre de l’équipe tout en étant bien épaulé par les joueurs de couloirs et aussi, plus tard dans la saison, à la mobilité perturbante de Fredrik LJUNGBERG. Le ballon, lorsqu’il est dans les pieds oranges, franchit rapidement le rond central pour aller presser l’opposant avant qu’il n’ait à nouveau tous ses repères en défense. Mais ce qui apparaît comme leur grande force à l’avant vient indirectement révéler de sérieuses lacunes à l’arrière : la volonté de porter et, surtout, de soutenir le jeu dans le camp adverse amène régulièrement trop de joueurs à

En cas de chute profonde au classement, le club avait tout de même travaillé son plan B pour attirer l'attention.

vocation défensive aux environs de la ligne médiane, sinon au-delà. C’est notamment le cas d’Eddy BOSNAR, que l’on voit par ailleurs frapper des coup-francs, certes puissants, mais aux abords d’une surface qui n’est pas la sienne. Le repli défensif n’est pas à la hauteur de la sérénité des joueurs balle au pied, les occasions concédées sont parfois grossières, souvent en contre, et rarement annihilées totalement. Si l’équipe se loupe en phase de construction, l’adversaire appuie frénétiquement sur le champignon et le danger est immédiat. Si l’on devait définir les matchs de Shimizu de l’année 2011, ce serait en les qualifiant de matchs de handball.

L’efficacité de la mise en mouvement offensive, sollicitant une grande partie de l’équipe, est la raison des fréquents scores fleuves, qu’ils soient pour l’équipe d’Afshin GHOTBI ou pour l’adversaire. Malheureusement, ils sont plus fréquemment pour l’adversaire lors des matchs de J1, allant même jusqu’à créer des séries de défaites mémorables : une fois en milieu de saison (trois défaites d’affilée par 4 buts à 0) puis en toute fin, sans doute due quelque-part à l’absence d’enjeu. Shimizu se montre cependant moins fébrile durant les coupes.

A l’image du film global des rencontres, le club a finalement vécu une saison 2011 très irrégulière du début à la fin : des aller-retours entre victoire et défaite en passant par un certain nombre de partages des points, ce qui change déjà des déceptions de dernière minute mais qui ne révolutionne rien en terme d’ambition. Shimizu échoue toujours plus ou moins loin de la Ligue des Champions et ne semble même plus pouvoir prendre part à la lutte pour le podium à l’heure actuelle. Mais cette saison est le chapeau de la nouvelle page qui fait suite à l’ère HASEGAWA; les transitions donnent rarement des résultats immédiats et la capacité des S-Pulse à rester une bonne équipe de J.League appliquée et volontaire tout en se reconstruisant a eu de quoi réduire le scepticisme de n’importe quelle fosse.

Des oranges et quelques navets

La « Golden Combi »

Plusieurs très bonnes choses ressortent néanmoins de cette saison 2011. La Golden Combi ONO-TAKAHARA prêtait à sourire en début de saison, à la fois comme un motif d’espoir et comme un sujet de dérision en rapport à l’âge avancé – pour des footballeurs – des joueurs concernés : Naohiro TAKAHARA est un vieux routard revanchard et on se demandait si la volonté seule du joueur suffisait à justifier sa présence dans l’équipe et son salaire. Son éviction du club des Red Diamonds semblait être pour lui une nouvelle courbe de la spirale infernale qui dessinait sa fin de carrière, après des déboires allemands et coréens plutôt passés inaperçus. Avec l’aide d’un milieu de terrain en grande forme, le numéro 19 a repris du poil de la bête, se plaçant lui-même volontiers dans le rôle d’un ailier quand le besoin s’en faisait sentir. Il présenta d’ailleurs l’avantage d’y attirer machinalement les défenseurs. Shinji ONO

Alex BROSQUE

reste quant à lui le meneur de l’équipe, une sorte de métronome dont on attend la juste transmission de balle et l’imposition du rythme à suivre. Non seulement il a tout au long de la saison fait son travail de manière très satisfaisante mais il a en plus surpris plusieurs gardiens en prenant l’initiative de frapper au but. Enfin, le gros bonus en plus de cette Golden Combi fut assez rafraîchissant puisqu’il s’agit d’un troisième membre : Genki OMAE. Le prometteur avant-centre a participé à conclure les constructions organisées par le duo précédemment cité. Avec 8 buts inscrits au total, il se situe à égalité avec TAKAHARA, ce qui démontre bien que le danger peut venir de tous les membres de l’attaque. Le travail est partagé. On attend tout de même un peu plus de sa part la saison prochaine.

Alex BROSQUE est une autre belle satisfaction. Titulaire habituel et remplaçant de luxe, ses entrées en jeu eurent l’habitude de se révéler fracassantes. Le fringant Australien possède une frappe lourde et n’hésite pas à s’en servir tout en faisant montre d’une certaine précision. Certaine, mais qui peut tout de même être améliorée. On peut lui demander également un peu plus de sang-froid et de collectif, mais ses 7 buts en championnat ne furent pas de refus.

Fredrik LJUNGBERG

Fredrik LJUNGBERG n’a lui plus toute sa crête mais en a toujours dans le ventre. L’ancien canonnier de Londres est arrivé en milieu de saison avec le statut de joueur mercantile, dans la lignée d’autres illustres promoteurs pour la J.League. Ce n’est évidemment pas faux mais il a également rempli son rôle sur le plan sportif : son jeu au milieu de terrain, fait de passes encore précises et de déplacements intelligents, tire le bloc équipe vers le haut. Aussi bien au sens propre qu’au sens figuré. Seule inquiétude : son physique tiendra t-il la route la saison prochaine et ce, même si le championnat Japonais n’est pas la Premier League ? Étant donné que le Suédois descend régulièrement défendre, trop d’aller-retours pourraient lui nuire à long terme. Croisons les bois et touchons du doigt.

Kaito YAMAMOTO

Pour en terminer avec les gros points positifs de la saison, voici le meilleur : Kaito YAMAMOTO. Le gardien de but a simplement été époustouflant et bien mis en valeur, il est vrai, par sa défense. Capable de maintenir l’équipe dans le coup lors des matchs indécis ou de maintenir l’avantage à coup de parades parfois surréalistes, il a été un véritable soutien pour ses joueurs de champ et une vraie révélation pour le public. Son réflexe juste et sa main ferme parlent pour lui. Et les défaites fleuves et successives subies par le club en cours de saison n’enlèvent rien à son talent. Le problème est ailleurs (mais pas si loin, vous verrez plus bas).

Sho ITO

Du côté des déceptions, Sho ITO a marqué un but dans le dernier match, d’une tête puissante suite à un centre venu de la droite. On aurait pu dire que c’est un but qui lui ressemble parce qu’il est rare, tout en étant somme toute propre. On dira plutôt que c’est un but qui lui ressemble parce qu’il n’a pas servi à grand-chose. Les joueurs ayant l’expérience de l’Europe tendent à susciter de grandes attentes lorsqu’ils reviennent au pays. ITO n’a pas dérogé à la règle dès la saison dernière mais il semble que les médias et supporters n’aient pas trop été regardants sur sa provenance ni sur son temps de jeu effectif sur le vieux continent. Son niveau de jeu ne lui avait pas permis de jouer à Grenoble, club aujourd’hui disparu du paysage professionnel. Pourtant, il fut traité comme une star près du mont Fuji. Il ne faut pas être surpris de constater qu’il ne comble pas les attentes, ses apparitions étant plutôt rares et son apport offensif encore trop moindre pour satisfaire. Son absence peut même parvenir à rassurer quant à la lucidité de son entraîneur. Mais ITO est jeune, on a encore le droit d’être patient avec lui. Espérons pour lui que ce soit l’avis de tous, et surtout de ses dirigeants.

Dans la famille des joueurs revenant d’Europe et transparents, on demande Daigo KOBAYASHI. Le numéro 10 n’a pas su tirer la bonne carte de sa manche. En même temps, en 12 apparitions dont 3 en tant que titulaire, on ne pouvait pas trop en demander. Son passage en Grèce semble l’avoir complètement plombé.

Par ailleurs, la volonté apparente de l’équipe à se vouloir être une pratiquante d’un jeu porté sur l’attaque a nui de façon tout aussi apparente à la qualité de sa défense. Si le gardien s’est montré brillant, c’est avant tout la conséquence du manque de concentration de ses défenseurs. Des défenseurs ayant pour la plupart de l’expérience, tel Shinji TSUJIO, présent au club depuis 2006 (mais ayant débuté comme attaquant…) et de façon active depuis 2008 ou Eddy BOSNAR, l’ancien pilier de Chiba, préposé aux coups-francs. Mais est-ce cette propension à l’attaque qui a détourné la ligne défensive de son rôle premier ? Avec 51 buts encaissés en 34 rencontres de J.League, l’addition 2011 est en tout cas salée…

L’équipe-type

Afshin GHOTBI a la plupart du temps opté pour un 4-3-3. Sa défense a quelque-fois changé mais l’alignement TSUJIO-IWASHITA-BOSNAR-OTA a été le plus récurrent. Shinji TSUJIO se place plus haut que Kosuke OTA sur les phases offensives, les attaques adverses ont tendance à être orientées de son côté à cause de cela. Cela est paradoxal dans le sens où, au milieu de terrain, HIRAOKA sert de transition depuis TSUJIO et vers ONO ou TAKAGI mais a tendance à rester près du rond central. Les véritables rampes de lancement sont Alex BROSQUE et Shinji ONO. Les attaques se placent généralement sur le côté gauche. BROSQUE peut monter juste derrière le trio d’avant-centres, tandis que ONO reste généralement en dehors de la surface adverse. On peut donc retrouver BROSQUE devant ONO sur certaines phases. Devant, Naohiro TAKAHARA est un attaquant polyvalent dans le sens où il a, au fil de la saison, mis à profit son léger décalage sur la gauche pour en faire une force en s’excentrant parfois le long de la ligne de touche afin d’attirer un ou plusieurs défenseurs avant de combiner avec ONO ou de centrer. Dans les autres cas, il tente de construire près de la surface avec OMAE ou en retrait. A droite, TAKAGI est un véritable ailier. Débordements et pénétrations font partie intégrante de son jeu. De ce fait, il a tendance à partir de plus bas pour atteindre sa pointe de vitesse, et se situe plus sur le côté que TAKAHARA à gauche. OMAE est la pointe de l’équipe. C’est un joueur qui se retrouve souvent devant le but et qui est voué à réceptionner les centres. TAKAHARA étant plus à même de jouer vers le but par rapport à TAKAGI, OMAE se trouve le plus souvent légèrement décalé sur la droite.

Selon le cours du match, le 4-3-3 peut devenir un 5-3-2 lorsqu’il est question de préserver le score. Taisuke MURAMATSU est le remplaçant de choix en défense. Il lui arrive d’ailleurs de débuter en lieu et place de Shinji TSUJIO. Les retards de buts n’impliquent généralement pas un changement de système. Les remplacements en attaque se font la plupart du temps en poste pour poste, avec Yuichiro NAGAI comme suppléant, ou bien un replacement de BROSQUE devant. Au milieu, Takuma EDAMURA prend spontanément le relais à gauche lorsqu’il n’y est pas titulaire, et, éventuellement, partage un rôle plus central avec Masaki YAMAMOTO, qui sert de second choix de substitution. Titulaire en tribunes, Sho ITO n’a quant à lui pas son pareil pour trouver de nouveaux angles de vue pour le photographe du club.

Quelles attentes pour la saison prochaine ?

Le club tient la route dans son stade mais les jambes tremblent dès qu’il s’agit de jouer loin du Nihondaira : avec seulement trois victoires hors de son terrain en championnat, les joueurs semblent très mal voyager. Malheureusement, la jeunesse globale des recrues ne semble pas présager une réelle amélioration du mental. Les attentes se situent bien entendu dans le secteur défensif. On attend du rideau orange une solidité qui dure jusqu’à la fin du match et qui ne se déchire pas à l’usure comme ce fut le cas cette saison. Il faut voir ce que peut apporter Calvin JONG-A-PIN dans une saison complète de ce côté-là. Mais étant donné que le système de jeu est assez au point devant, on est en droit d’espérer une petite révolution à l’arrière avec plusieurs recrues. Pour le reste, bien que la construction dans le camp adverse fonctionne avec une bonne utilisation de la largeur du terrain, l’écart des âges entre les attaquants limite les prédictions : cela peut se passer comme cette saison ou même s’améliorer mais la jeunesse peut toujours s’emporter et brûler en plein vol (OMAE, TAKAGI, ITO) tandis que les vétérans peuvent littéralement craquer sur la durée (NAGAI, TAKAHARA). Seul Alex BROSQUE assure une garantie et, vue sa bonne saison 2011, c’est heureux.

Au final, si Shinji ONO ne repart pas en Europe et si le club a conscience de ses lacunes défensives et fait le nécessaire en apportant du physique et de l’expérience derrière, on peut s’attendre de façon légitime à ce que les S-Pulse se battent au moins pour l’Asian Champions League. Ce ne serait pas du luxe.

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